Le film de Geng Zihan, A Blue Summer, présente une jeune protagoniste dont l’été est bouleversé par une expérience amoureuse. L’objet de son désir étant une jeune fille, il est remarquable que l’opus n’ait pas heurté la censure chinoise, habituellement chatouilleuse sur le sujet.
Liu Xian est une jeune fille de quinze ans introvertie car surprotégée par sa mère. Cette dernière, médecin, lui annonce son départ pour une mission en Afrique. Liu Xian sera entre-temps confiée à la garde de son père qui possède un atelier de photographie. L’adolescente y découvre nombre de clichés kitsch, une réceptionniste coréenne (qui s’avère être aussi la maîtresse de papa) et sa fille, guère plus âgée qu’elle, Mingmei. Mélancolique et se croyant abandonnée, Liu est éblouie par cette diva à la chevelure bicolore. Il faut dire qu’elle est charmeuse et charmante, partout à son aise, par tous adulée.
Mingmeng suit une formation d’hôtesse de l’air et entretient une relation avec un homme marié, ce qui contredit la morale confucéenne. Elle adopte Liu, mais la délaisse parfois en disparaissant à sa guise. La séduction qu’elle exerce sur elle n’implique pas d’attachement de sa part. Le coup de foudre est du côté de Liu Xian, prête à tout pour elle, y compris à voler si nécessaire. Les longs gros plans sur son visage sont à la mesure des sentiments de la petite amoureuse. Pour le reste, la caméra reste pudique. Les deux jeunes filles ne se touchent pratiquement pas, sinon dans la scène où Liu soigne le visage tuméfié de Mingmei, malmenée par l’épouse de son amant. Elles se frôlent tout au plus. Leurs rapports fantasmés sont suggérés par l’image floutée lors des scènes-clés du récit. Le bleu domine dans les images de la plus jeune, le rouge dans celles de sa pétillante amie.
Geng Zihan et sa scénariste Liu Yining ont situé le lieu de l’action dans la ville de Harbin, en Mandchourie, capitale multiculturelle s’il en est. Au XIXe siècle, les Russes y étaient venus y construire une partie du transibérien. Procédant par petites touches et par allusions, Geng Zihan ne s’attarde pas sur les monuments et les vestiges de cette cité. En revanche, elle insère une jolie scène de déjeuner dans un restaurant russe des plus huppés. Elle n’explique pas plus la présence de la communauté nord-coréenne dont est issue Mingmei, qui avait émigré dans les années 90 pour échapper à la famine.
On perçoit, de temps à autre, le poids d’un passé tragique. La plus jeune des protagonistes quitte un environnement relativement confortable pour un monde qui lui reste à découvrir. L’indifférence, la désinvolture, voire la dureté de Mingmeng sont héritées de sa mère. Sa beauté mais également son statut d’étrangère lui confèrent une aura. L’été bleu dont il est question – alors que le titre originel du film, A Song Sung Blue, fait allusion au tube de Neil Diamond des années 70 – désigne l’époque d’avant l’arrivée du smartphone en Chine, phénomène qui eut pour effet de ruiner les studios et les magasins de photographie argentique. Cela n’a pas empêché notre héroïne, Liu Xian, de prendre goût à la prise de vue…
Visuel : photogramme de A Blue Summer © Bodega Films.