Notre première couverture de la trentième édition de L’Etrange festival, qui se tient actuellement au Forum des images, à Paris, nous a conduit à voir les derniers films de Bill Plympton et de Fabrice du Welz.
Sept ans après son dernier film, Bill Plympton revient enfin avec son nouveau court-métrage, Duel à Monte-Carlo del Norte (sobrement intitulé Slide en version originale). Inspiré par la musique de Hank Williams et par l’univers du western (on pense beaucoup à Clint Eastwood, et notamment à l’arrivée d’un homme inconnu dans une petite ville dans L’Homme des hautes plaines), Bill Plympton livre son huitième long métrage d’animation. Le processus de gestation a été long car, lorsque le réalisateur met en moyenne deux ou trois ans pour réaliser un film, celui-ci en a pris sept, le processus de création étant notamment freiné par la vague de Covid.
Duel à Monte-Carlo del Norte met en scène un mystérieux cow-boy guitariste, Slide, arrivant dans la ville forestière corrompue de Sourdough Creek. Dans les années 1940, la ville est en ébullition : le maire et son complice de frère ont reçu un coup de fil d’Hollywood : un producteur cherche un endroit idyllique pour y tourner le dernier film à la mode ! Ni une, ni deux, le maire décide de construire un barrage et un magnifique hôtel en une semaine chrono. Mais c’est sans compter la résistance de Slide, la révolte de la communauté de pêcheurs dont le quartier a été détruit et la terreur qu’inspire le « Hellbug », une créature vivant en forêt.
Comme toujours chez Bill Plympton, le film va à 200 à l’heure, et pourra en fatiguer certains. Surchargé de musique, le film, composé de plus de 40 000 dessins faits à la main, se présente comme un « western noir » à la croisée des films de Clint Eastwood et de la comédie de Mel Brooks, Le Shérif est en prison (1974). Les trouvailles se succèdent à une allure folle (une pluie de troncs d’arbre, des « boobs shakers », des tueurs à gages déguisés en poisson…) tandis que les dessins en 2D permettent une inventivité débridée (on retiendra longuement un plan passant par la bouche d’un personnage et ressortant quelques secondes plus tard par son anus !). Réalisé en partenariat avec Folimage, « l’un des meilleurs studios d’animation, au monde » dixit Plympton, qui a fait la mise en couleur numérique, Duel à Monte-Carlo del Norte devrait sortir sur nos écrans en mars 2025, distribué par ED Distribution.
A L’Etrange festival, on est chanceux. Présenté il y a quelques jours à la Mostra de Venise en sélection officielle mais hors compétition, Maldoror voit sa première projection française en cette 30ème édition du festival des films bis. Et nous sommes encore plus chanceux : Fabrice Du Welz est là en personne pour présenter son film, ainsi que certains acteurs du film (Alba Gaïa Bellugi, Alexis Manenti, Mélanie Doutey). Un film dont le casting fait d’ailleurs rêver, puisqu’il faut y ajouter un toujours très juste Anthony Bajon, un glaçant Sergi Lopez, un Laurent Lucas défiguré, une Béatrice Dalle en mère repentie et un effrayant Jackie Berroyer, citoyen au-dessus de tout soupçon.
Maldoror s’inspire librement de l’affaire Dutroux qui secoua la Belgique au cours des années 1990. En 1995, le jeune gendarme Paul Chartier, idéaliste et volontaire, rejoint l’opération « Maldoror » dont l’objectif est de surveiller un homme plusieurs fois condamné et suspecté d’avoir enlevé deux jeunes filles. Si le film commence d’une manière solaire, notamment par une magnifique scène de mariage où la communauté sicilienne est mise à l’honneur, rappelant Le Parrain, Maldoror fait ensuite subir à son personnage l’impossibilité de mener une enquête proprement, alors que les services de police belges sont en pleine restructuration. Obsédé, à la limite de la paranoïa, Paul Chartier s’enfonce dans la solitude, persuadé qu’il peut sauver les fillettes.
Le sujet est lourd, et Fabrice Du Welz l’annonce : le film a été pensé et construit avec respect et minutie. Comme l’explique le réalisateur dans un entretien accordé à L’Echo : « Je me suis basé sur des faits et j’ai été le plus honnête possible, je ne veux pas faire de sensationnalisme. Mais je ne voulais pas non plus que ce soit artificiel et prétendre que ce soit un documentaire. » D’où un mélange entre faits réels et fiction qui peut déranger, Fabrice Du Welz ayant notamment été inspiré par le Once Upon a Time… in Hollywood (2019) de Tarantino. Nous sommes d’ailleurs prêts à parier que les Belges, sensibilisés à cette affaire, apprécieront beaucoup plus le film, car prêts à séparer le vrai du faux.
Si le film présente de manière un peu trop classique un flic s’enferrant dans une enquête qu’il peine à résoudre, Maldoror reste un solide thriller. On ne peut que louer les talents de metteur en scène du réalisateur de Calvaire (on reste en revanche circonspect face à un montage alterné entre un accouchement et l’enlèvement d’une fillette…), la caméra collant au plus près des expressions de ces magnifiques acteurs. Maldoror parvient à nous intéresser sur plus de 2h30, et à nous angoisser.
Duel à Monte-Carloe del Norte (Slide), Bill PLYMPTON, Etats-Unis, 2023, 1h13, sortie prévue en mars 2025
Maldoror, Fabrice DU WELZ, Avec Anthony Bajon, Alba Gaïa Bellugi, Alexis Manenti…, Belgique, 2h35, sortie prévue le 15 janvier 2025
Visuel : © Affiche de Maldoror