Ce premier article de notre couverture de L’Etrange festival qui se tient au Forum des images (Paris) du 5 au 17 septembre 2023 revient sur quatre films, dont une très bonne découverte.
L’enfant terrible du cinéma russe, Kirill Serebrennikov, bénéficie d’une carte blanche pour cette vingt-neuvième édition. De passage à Paris pour mettre en scène Lohengrin de Wagner à l’Opéra national de Paris, le réalisateur russe bénéficiera même d’une master class avant la diffusion de l’incroyable film d’Alejandro Jodorowsky, La Montagne sacrée (1973). Jeudi 6 septembre, c’est La Légende de la forterrese de Souram (1985) de Sergei Paradjanov et Dodo Abachidze qui ouvre la sélection de quatre films du réalisateur. Le réalisateur du très beau Sayat Nova (1969) revient tourner, après des années de silence forcée. Bienheureux celui qui serait à même de comprendre ce qui se passe dans La Légende…. Tel Romeo Castellucci au théâtre, Paradjanov préfère enchaîner les tableaux plutôt que de se concentrer sur une intrigue. En résulte une succession d’images, de belles à très belles, mais qui peuvent fortement ennuyer.
Toujours dans cette volonté de découvrir du cinéma de répertoire, nous sommes allés voir la très belle restauration en 4k du Festin nu (1991) de David Cronenberg. Au début des années 1990, le réalisateur canadien décide de s’attaquer à un roman réputé inadaptable, et illisible (soyons franc) : Le Festin nu, signé William Burroughs, publié en 1959. Le livre, entièrement écrit sous drogue, est victime de la technique du « cut-up », chère à la Beat generation (le livre est découpé, et les chapitres réorganisés de manière quelque peu aléatoire). Au début des années 1950, l’exterminateur de cafards Bill Lee est contraint de quitter les Etats-Unis après avoir tué sa femme, et de rejoindre l’Interzone. Chargé d’écrire un rapport sur cette ville d’Afrique du Nord, Bill Lee multiplie les expériences psychédéliques. Cronenberg livre un film assez lent, qui emprunte plus au film noir américain qu’au film d’horreur. Après tout, on a bien un homme à fedora (Peter Weller, une sorte de Ryan Gosling avant l’heure) chargé d’enquêter sur un trafic de drogue, alors que se dressent des obstacles, et notamment une femme fatale. Plus qu’une adaptation du livre de Burroughs, le film pioche dans la biographie de Burroughs. Si les décors carton-pâte (le film aurait dû être tourné à Tanger) ne convainquent guère, les gros insectes faisant office de machines à écrire fascinent toujours.
Excellente surprise que fut ensuite ce premier film japonais signé Ryo Takebayashi, Comme un lundi (2022). Film de boucle temporelle (Un jour sans fin, Palm springs…), on redoutait avoir affaire à une resucée. C’était sans compter sans l’intelligence d’une mise en scène très rythmée et d’un scénario malin. Au cœur d’une petite agence de publicité, les employés se rendent compte qu’ils sont condamnés à revivre encore et encore la même semaine éreintante. Quelle action héroïque doivent-ils réaliser pour sortir de cette infernale boucle temporelle ? Sans lasser une seconde, Takebayashi nous fait diablement rire, tout en interrogeant les limites du monde du travail japonais (cadence infernale, horaires infinis, soumission).
Pour des questions de sensibilité, sachez que nous n’avons pas pu aller jusqu’au bout de A way to die : the films of Peter Christopherson and John Balance. Ce work in progress signé Maxime Lachaud et Reivaks Timeless est un collage des films réalisés entre 1970 et 1985 par les fondateurs du groupe Coil, un groupe anglais de musique expérimentale. Ces films, réalisés en 8 et 16 mm montrent l’évolution d’une manière filmée, très anecdotique au départ pour déboucher sur quelque chose de professionnel à la fin.
La Légende de la forteresse de Souram, Sergei PARADJANOV et Dodo ABACHIDZE, 1985, URSS
Le Festin nu, David CRONENBERG, 1991, Canada, Royaume-Uni, Japon
Comme un lundi, Ryo TAKEBAYASHI, 2022, Japon
A way to die: the films of Peter Christopherson and John Balance, Maxime LACHAUD et Reivaks Timeless (pour le montage), 2023, France
Crédit photos : Image tirée de Comme un lundi © Art House films