Dans un petit village de la côte d’Opale, un bambin, son père pêcheur et ses quelques acolytes séniles incarnent les forces des ténèbres, dirigées par un blob noir. En face, un hologramme blanc dirige le combat pour le Bien depuis une Sainte Chapelle intergalactique, à l’aide d’une Amazone et d’un demeuré. Tout ce beau monde s’engage dans un combat extraterrestre entre le Bien et le Mal qui ne peut délecter que les enthousiastes les plus inconditionnels de Bruno Dumont. Et encore. Dans les salles à partir du 21 février.
Après des désistements d’Adèle Haenel, à la suite de conflits entre le cinéaste et l’actrice autour du scénario qu’elle considère comme étant « sombre, sexiste et raciste » et de Lily-Rose Depp et Virginie Efira « en raison d’un conflit d’agenda », le casting féminin s’est finalement consolidé autour de Camille Cottin (La Reine), Lyna Khoudri (Line) et Anamaria Vartolomei (Jane) qui remplacent Efira, Depp et Haenel, respectivement.
A côté de Fabrice Luchini dans le rôle de Belzébuth, une flopée d’acteurs non-professionnels est là pour donner à l’entreprise de Dumont la fameuse « touche naturaliste ». Le père du prince des ténèbres, Jony, est ainsi interprété par Brandon Vlieghe, alors que Julian Manier incarne l’associé de l’Amazone du Bien, Rudy. On retrouve dans l’équipe Bernard Pruvost (Van der Weyden) et Philippe Jore (Carpentier), les gendarmes incompétents de P’tit Quinquin.
L’action commence dans un petit village gaulois au milieu des dunes. Il s’y passe des choses bizarres. Lina, une jeune femme d’une vulgarité à toute épreuve, rencontre Jony, un pêcheur en salopette qu’on confondrait difficilement avec un prix Nobel. Elle lui fait des courbettes, avant de se prosterner solennellement devant son bambin bavant à la fenêtre. Rudy, le jeune homme à l’allure préhistorique, décapite la mère du môme avec un sable laser et les deux gendarmes imbéciles se creusent les méninges fossilisées devant ce carnage incompréhensible.
Le récit aurait pu s’arrêter là et « no hard feelings.»
Hélas, il s’avère que le village a été choisi comme le théâtre d’un combat cosmique entre le Bien et le Mal. Le petit ange aux joues roses, Freddy, est l’incarnation du Mal sur la Terre. Son géniteur Jony, pêcheur de crabes dans ses heures libres, est à la tête d’une force démoniaque extraterrestre, les Zéros, qui agit sur Terre pour le compte de Belzébuth. Ce dernier est un blob noir qui dirige les opérations depuis son vaisseau spatial en forme de Château de Versailles.
Il s’incarne dans le corps d’un guide touristique, interprété par Fabrice Luchini, pour descendre sur Terre et rencontrer le bébé blond et potelé. Après avoir apporté quelques améliorations à son apparence, notamment un costume inspiré de celui de Louis Jouvet en Dom Juan, il se plaît tellement dans son incarnation humaine qu’il la garde. Riant de toutes ses dents et déclamant des âneries à pleins poumons et dans le pur style de la Comédie française, Luchini, au moins, s’éclate.
Ce qui ne semble pas être le cas pour les forces du Bien. La Reine, incarnée par une Camille Cottin austère comme les cardinaux guettant la fumée blanche au Vatican, revêt la forme humaine de la maire du village et trouve les humains « attachants, ». En mission sur Terre pour son compte, un tandem hors norme déploie ses énergies au salut de l’humanité : une pauvre version de Lara Croft prénommée Jane, et Rudy, qui semble avoir quitté le plateau de tournage de la Planète des singes dans la précipitation.
On ne peut guère en vouloir à Jane de se jeter sur Jony, même si son attirance physique ne peut véritablement se révéler qu’au milieu d’un champ désert où la seule alternative est Rudy ou le gang de gâteux sur leurs chevaux du Boulonnais. Inutile d’insister sur le fait que cette transgression met en péril l’issue du combat et, par conséquent, du destin de l’humanité, mais à ce stade on s’en fiche éperdument. Le burlesque méprisant de Dumont se termine avec un sketch de l’incomparable gendarmerie nationale vraiment tordant et nous voilà enfin délivrés !
Visuels : © Tessalit Productions