En direct du festival Le temps d’aimer la danse, à Biarritz, cette année encore, Rémi Rivière partage ses coups de cœur.
Le festival Le Temps d’Aimer la danse accueille pour la première fois un spectacle de cirque, avec la compagnie Le doux supplice. Entre acrobaties, bal populaire et danse contemporaine, le metteur en scène Pierre-Jean Bréaud brouille les frontières entre deux univers longtemps séparés. Sa pièce En attendant le grand soir explore la confiance, le mouvement collectif et l’envie de « faire communauté » par le dancefloor.
Il suffirait qu’une écuyère en tutu, debout sur un cheval, traverse au galop le festival le Temps d’Aimer pour qu’on en déduise l’évidence du cirque dans la danse, ou de la danse dans le cirque. Mais ce n’est bien sûr pas si facile. Il n’y a pas de clown dans le Lac des Cygnes, aucun trapéziste chez Merce Cunningham et Martha Graham ne jonglait pas. Et voilà que la scène du Temps d’Aimer se transforme en piste pour accueillir la compagnie Le doux supplice. Une première en 35 éditions, après une brève tentation l’an passé pour du cirque de rue.
Cette fois, la compagnie Le doux supplice investit le festival avec un vrai spectacle de piste servi sur un plateau. Et questionne les thèmes du bal et des danses populaires, avec huit acrobates danseurs et un DJ clown. L’aube d’une fusion, ou le matin d’un grand soir pour le metteur en scène Pierre-Jean Bréaud qui présente « un spectacle à voir et à danser ». Ou plutôt une recherche acrobatique sur la danse fort justement intitulée En attendant le grand soir. Pas de révolution en vue mais une intéressante réflexion sur ce qui lie la danse et le cirque. « Encore faut-il savoir de quel cirque et de quelle danse on parle ? » questionne Pierre-Jean Bréaud. Et de remonter la piste de la danse classique jusqu’au Roi-Soleil, puis celle du cirque —« ou de l’image que l’on en a aujourd’hui »—, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Histoire de voir si les parallèles se croisent. Mais disons-le tout de suite, sans remonter aux bateleurs médiévaux, saltimbanques, bouffons, montreurs d’ours ou aux danses traditionnelles, ce n’est pas évident. Même si, à la fin du XIXe siècle, de nombreux cirques comptent un ballet dans leur troupe.
Symboliquement, le déplacement chorégraphique et le geste acrobatique semblent liés. Le saut est à la fois un point de rapprochement et une ligne de démarcation entre les danseurs et les acrobates. Depuis l’avènement de la danse contemporaine, en revanche, la frontière est devenue logiquement plus poreuse. A la fin des années 90, le chorégraphe Josef Nadj avait marqué les esprits avec la pièce Le cri du caméléon, produit par le Centre national des arts du cirque et qui explorait les limites du corps.
Car toute l’idée de la danse qui lorgne vers le cirque est de prolonger les corps ou leurs facultés. Le corps mis face au risque, à l’exploit, dans le cirque. Le corps sensible dans la danse. Rien qu’en scrutant cette édition du Temps d’Aimer, on arrive sans effort à Émilie Camacho et Lucien Reynes qui réunissaient dans Retour à Itak la danse et le cirque pour gagner en virtuosité, ou encore à Gilles Baron, qui utilise l’acrobatie et le jonglage dans Aïon pour captiver son jeune public. L’un des danseurs de la Carolyn Carlson Compagny fait également partie du Cirque du Soleil. La liste semble ouverte.
Pourtant, le métissage entre la danse et le cirque reste très mineur jusqu’aux années 90, constate Pierre-Jean Bréaud. Avec une exception pour l’opéra où les deux disciplines butinent déjà. C’est d’ailleurs cette expérience qui l’a inspiré.
Si le cirque contemporain connaît aujourd’hui sous nos latitudes une reconnaissance, et une vitalité depuis les années 80, il reste un courant marginal par rapport à la danse. Voltigeur de métier, Pierre-Jean Bréaud cherche les parallèles entre portées acrobatiques et danse. Et le « premier pas de base » qui définit la danse. L’acrobate doit créer une relation à l’autre, engager une grande confiance dans le groupe, faire corps, s’accorder, s’harmoniser. Un jeu de groupe et de confiance, que l’on retrouve dans les cabrioles d’enfants, dans les bras rassurants de leurs parents lorsqu’ils y jouent. Autant de thèmes que l’on retrouve dans la danse, notamment dans la recherche contemporaine.
A l’inverse, puisque la compagnie Le doux supplice est dans le cirque, elle trouve dans la danse « des qualités différentes et plus de souplesse » constate le voltigeur. Un lien plus profond et plus adapté que ne peut l’être, par exemple, la dramaturgie. Un liant même, capable de servir le jeu circassien. Avec grâce ou poésie. D’autant plus dans la pièce En attendant le grand soir où le public est invité à partager la piste, ou le dancefloor, pour un bal participatif. Forcément, inviter le public à faire des pirouettes peut s’avérer plus délicat. Et puis l’idée de Pierre-Jean Bréaud est de « faire communauté ». Ne pas forcément chercher à mieux danser mais vouloir être meilleur accompagnant. Se déplacer ensemble. Se mettre en mouvement collectivement. S’accorder. Pour le grand soir ? Le spectacle suscite de la joie. Par les temps qui courent, « c’est déjà pas mal », conclut-il.
Avec En attendant le grand soir, l’idée de la danse qui lorgne vers le cirque est de prolonger les corps ou leurs facultés. © Stéphane Bellocq
Le festival Le temps d’aimer la danse s’est tenu jusqu’au 15 septembre à Biarritz.
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