Basé sur le roman éponyme de Deborah Levy, le premier film de la scénariste anglaise Rebecca Lenkiewicz est un assemblage chaotique et ambigu d’humeurs et d’idées qui mènent à une fin aussi improbable que ridicule.
Rose (Fiona Shaw) et sa fille Sofia (Emma Mackey) s’installent dans une maison à Almeria en Espagne pour que Rose, souffrant d’une maladie mystérieuse et contrainte au fauteuil roulant, puisse consulter Dr Gomaz (Vincent Perez). Pendant que le guérisseur hors-prix creuse dans l’inconscient de Rose pour comprendre l’origine psychosomatique et la nature erratique de sa paralysie de jambes, Sofia passe son temps la plage.
Quand elle ne se fait pas piquer par des méduses – la métaphore de brûlure ne nous échappera pas – elle rêve de l’énigmatique Ingrid (Vicky Krieps). Au galop sur son cheval, le foulard gitan au vent, Ingrid envoûte, séduit et fragilise la jeune femme, dont la psyché est déjà bien entamée par la présence d’une mère envahissante dans un huit clos étouffant. Le chien attaché sur le toit de la maison voisine qui hurle sa soif et son désespoir jour et nuit en est une métaphore bien trop transparente.
L’actrice irlandaise Fiona Shaw, incarne l’irritabilité pétrie d’amertume et d’angoisse avec une conviction déroutante. De son fauteuil roulant, elle se plaint des insectes, des aboiements du chien, réclame de l’eau, fustige contre le père grec de Sofia et s’indigne de toute mention de sa sœur disparue. Dans un effet de miroir, Ingrid aussi porte en elle le traumatisme de la mort de sa sœur. A partir de ses confidences, l’attirance de Sofia pour Ingrid prend l’allure d’un transfert freudien sans valeur ajoutée pour le film.
La réalisatrice aurait-pu opter pour une narration resserrée et évolutive de ce psychodrame familial ; révéler la violence sous-jacente des traumatismes qui animent les personnages sans recourir aux clichés et amplifier leurs cris étouffés jusqu’à la déflagration finale. Mais il n’en est rien car Lenkiewicz cherche peut-être à restituer trop fidèlement la fusion littéraire du mythe, du fantastique et du quotidien pour se donner les moyens d’explorer la toxicité ravageuse des relations familiales dysfonctionnelles.
Emma Mackay, avec son visage ciselé et son regard impénétrable, a sans doute la carrure pour porter son personnage silencieux et ruminant, mais Lenkiewicz lui donne trop peu de moyens pour la rendre vivante. Sofia n’a aucune profondeur et aucun désir perceptible qui justifierait ses agissements pendant 93 minutes que dure le film. Depuis Corsage, Vicky Krieps n’a plus à démontrer sa capacité d’incarner les femmes qui soufflent le froid et le chaud, qui attirent pour mieux repousser, qui martyrisent pour exorciser une blessure inapaisable. Mais son personnage est trop inachevé pour convaincre ou séduire et c’est bien dommage.
Visuels : © Nikos Nikolopoulos / MUBI