Quinzaine : « Le Procès Goldman » de Cédric Kahn, un huis clos réussi

Le 19 décembre 1969, lors d’un braquage dans une pharmacie du boulevard Richard Lenoir, deux femmes sont tuées et deux hommes blessés. Arrêté peu après, Pierre Goldman (le demi-frère aîné de Jean-Jacques) est un révolutionnaire revenu du Venezuela qui, pour vivre, commet des vols à main armée. Il avoue plusieurs vols, mais clame son innocence quant à celui de la pharmacie et dit ne pas être un meurtrier. Condamné à la perpétuité en 1974 à Paris, il écrit en prison un best-seller, Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, et c’est en 1976 qu’a lieu son deuxième procès, à Amiens, sur lequel le film de Cédric Kahn se focalise.

Le point de vue de « la Défense »

Dans le Procès de Pierre Goldman, tout est aussi droit et anguleux que le visage de Arieh Worthalter, qui incarne l’accusé. Sanglé dans un costume élégant, ce Juif d’origine polonaise, fils d’un grand résistant, veut que son innocence ne se démontre pas, mais constitue un état de fait. Et ce n’est pas le point de vue de l’accusé que Cédric Kahn décide de filmer, mais celui de la Défense, constituée de trois avocats, à qui Goldman ne facilite pas la tâche : Francis Chouraqui, Émile Bartoli et le principal, Georges Kiejman (incarné par Arthur Harari). Filmer du point de vue de la Défense permet de dépasser la question de la culpabilité, réelle ou fausse, de Goldman pour comprendre ce qui se joue quand ce procès et le personnage fascinent leur époque.

Les lignes de forces d’une Tragédie

La force du film, c’est de ne pas être un biopic. Cédric Kahn fait le choix de se concentrer sur le procès d’Amiens, avec une unité de lieu, de temps et d’action qui flirte avec les codes de la tragédie. Et donc du Théâtre. Tout se passe au tribunal, espace que Cédric Kahn sculpte avec sa caméra en multipliant les angles et les géométries. Ce qui a été dit à l’époque se joue à nouveau sous nos yeux. Tous les regards convergent vers un Pierre Goldman sur lequel semble peser toute la destinée du peuple juif. Looser terrible, il semble subir, et même précipiter une destinée de bouc émissaire.

Les regards sur lui sont d’autant plus importants que les seules preuves d’une culpabilité éventuelle sont des témoignages de passants qui ont dit le reconnaître. Il y a un côté très classique, presque pictural, dans les perspectives que choisit Cédric Kahn. C’est solide, bien joué et très beau. Les grandes questions du racisme et de l’antisémitisme sont bien soulevées. Et pourtant, l’on a tout de même un peu du mal à relier ce procès à notre temps. Excès de subtilité ? Les temps ont trop changé ? La réflexion se poursuit après la séance, alors même que l’assassinat de Pierre Goldman en 1979 reste un crime non élucidé.