Exit, mis en scène par Charles Templon, aborde avec humour et délicatesse le sujet de l’aide active à mourir. Nécessaire et déroutant.
Le sujet du spectacle ne prête pas, a priori, à rire. Il est question de la fin de vie assistée, de comment on choisit de mourir. Les récits qui nous sont donnés à entendre abordent sans fausse pudeur et sans misérabilisme les souffrances intolérables, la peur de mourir, l’abandon du sujet par les « décideurs » publics. Adaptée du documentaire de Fernand Melgar, la pièce offre un aspect documenté mais où la théâtralité a toute sa place. Quitte à jouer sur les clichés. La toile peinte du fond, n’est pas sans rappeler avec humour les décors de Roger Harth. Une scène de randonnée avec décor mouvant et marche sur tapis roulant peut, à elle seule, justifier d’aller voir le spectacle.
Entre faux réalisme d’un théâtre aux codes naturalistes et vraie foi en la capacité des formidables interprètes (Philippe Awat, Lucie Gallo, Marie-Sohna Condé, Nanou Garcia et Benjamin Gauthier) Exit, amuse autant qu’il interroge. Face à ces changements de rôle, où, tour à tour, les malades et les aidant-e-s sont inteprété-e-s par les mêmes artistes, on se surprend à se dire que nous aussi, probablement, nous aurons à nous poser des questions similaires pour nous ou nos proches.
Le texte de Benjamin Gauthier et Karine Dubernet est nourri de témoignages de malades, de proches et d’aidant-e-s. On assiste, par exemple, à des permanences téléphoniques entre les bénévoles de l’association et des personnes cherchant à se renseigner ou appelant clairement à l’aide. Les réponses sont toujours bienveillantes mais montrent aussi l’ampleur de la tâche à accomplir, le peu de moyens humains à disposition et surtout les règles édictées pour obtenir cette aide à mourir dignement. On entend les maladresses, les moments de désespoir, les doutes.
On entre également dans la vie de l’association par des scènes entre bénévoles où rien ne semble cacher des tensions et des désaccords. Mais aussi de la fatigue qu’ils et elles ressentent. Le texte est d’une très grande délicatesse, ne ménageant pas ses effets de rupture, de décalage (peut-être est-ce l’humour helvétique…). Au fond, même si le mot est galvaudé, on est tenté d’écrire qu’il est profondément humaniste avec ce que cela charrie de maladresse, d’égoïsme, d’amour et de combattivité.
On rit beaucoup dans Exit. Un dialogue entre deux bénévoles sur les meilleures façons d’en finir nous apprend qu’il faut éviter de se taillader les veines, bien calculer la longueur de la corde si l’on opte pour la pendaison. La salle rit aux éclats, mais, et c’est là toute la force du spectacle, se fige et laisse un silence gêné s’installer. On rit avec Michelle qui ouvre et clôt le spectacle et qui entraîne avec elle le public dans une scène finale très réussie. On rit donc mais en grande partie, peut-être, pour éloigner de nos esprits les questions vertigineuses qui se posent à nous : serions-nous prêt-e-s à aider un-e proche à mourir ? Et nous mêmes, quelle sortie de scène nous souhaitons-nous ?
Exit au théâtre du Train Bleu à 13 h 20 du 4 au 20 juillet, les jours pairs
Photo : © Jean-Louis Fernandez