Leonie Benesch incarne avec une conviction sidérante une infirmière de nuit diligente et surmenée, dépassée par les crises qui s’enchainent à un rythme effréné dans un service hospitalier en sous-effectifs. Un hommage absorbant à la profession infirmière.
L’actrice allemande de 33 ans a le vent en poupe. Découverte dans Le Ruban blanc de Michael Haneke en 2009, Benesch a impressionné la critique dans le rôle de l’enseignante idéaliste dans La Salle des profs (Prix du film allemand de la meilleure actrice), et plus récemment, dans le rôle de la traductrice allemande dans 5 septembre.
Son regard direct, sa posture droite et sa physicalité intense semblent particulièrement indiqués pour les rôles qui éprouvent le professionnalisme de ses personnages jusqu’à en révéler ses fêlures. Pour préparer le rôle, Benesch a effectué un stage à l’hôpital cantonal de Bâle-Campagne Liestal en Suisse. Ses gestes sont rapides, compétents et sa démarche vigoureuse. Le temps d’une nuit, la réalisatrice Petra Volpe et la directrice photo Judith Kaufmann suivent leur protagoniste, Floria Lind, à travers le labyrinthe verdâtre du service chirurgical au rythme de la bande-originale signée Emilie Levienaise-Farrouch (Sans jamais nous connaître).
Poussant son chariot de soins avec une énergie robuste, Floria répond aux demandes de ses patients : Mr. Leu (Urs Bihler), un vieux monsieur qui attend avec anxiété le diagnostic de cancer et finit par s’enfuir pour retrouver son chien ; Mme Bilgin (Eva Fredholm), une mère en fin de vie entourée de trois fils agités ; un immigré du Burkina Fasso (Urbain Guiguemdé), seul et ne parlant pas l’allemand ; Mme Morina (Lale Yavas), une jeune mère atteinte d’un cancer et épuisée par les traitements, qui se demande si elle doit encore se battre et M. Song (Jeremia Chung), souffrant d’une sévère allergie médicamenteuse.
« Nous ne sommes que deux », s’excuse-t-elle à chaque fois, mais Mr. Severin (Jürg Plüss), un riche patient privé, arrogant et sarcastique, s’en fiche éperdument. « Une heure et quart pour m’apporter une tisane ! », il réprimande Floria, brandissant sa montre à 40 000 CHF pour appuyer son propos. Alors que le stress, la fatigue et une succession de désastres entament son sang-froid, c’est Mr. Severin qui la fera craquer dans une séquence d’anthologie, cathartique et désespérément drôle.
Inspiré par le récit autobiographique de l’infirmière allemande Madeline Calvelage Notre profession n’est pas le problème. Ce sont les circonstances, le scénario de Petra Volpe ne se perd pas dans le détail, le sentimentalisme ou les gestes superflus. Le spectateur apprend l’existence de la petite fille de Floria à travers un appel téléphonique.
Mais, dans cette course contre la montre, où la caméra est constamment braquée sur Benesch, Volpe sait ralentir l’action pour permettre par exemple, à son héroïne de chanter une berceuse pour calmer une vielle dame démente et apeurée. Volpe a également fait le choix d’entourer Benesch d’acteurs professionnels, mais aussi d’amateurs et du personnel soignant, donnant ainsi au film une riche texture d’authenticité.
Le montage habile de Hansjörg Weissbrich, récompensé par le prix Independent Spirit pour son montage du 5 septembre, opère sa magie avec un impeccable équilibre entre l’escalade du stress, l’action haletante et les moments plus calmes qui laissent transparaitre l’émotion. « En première ligne est une lettre d’amour aux infirmières et au travail des soignants, et j’espère que les infirmières se sentiront vues, célébrées et appréciées grâce à notre film », précise Volpe à la conférence de presse. Bel objectif pour ce film tendre et percutant.
Visuel : © Zodiac Pictures 2025