« Ato noturno » au Festival du film de Berlin : un thriller érotique qui renverse les codes

Un cocktail explosif de succès, de désir et de mort

Marcio Reolon et Filipe Matzembacher sont des habitués de la Berlinale. Les réalisateurs brésiliens y ont fait leur début en 2015 avec Seashore et en 2018, ils y ont remporté le Teddy du meilleur film queer pour leur deuxième long-métrage Tinta Bruta (Hard Paint). Reolon et Matzembacher sont considérés comme les représentants les plus galvanisants du cinéma queer contemporain. Entre l’identité et la convention sociale,  leur travail évoque la substance, le style et l’esthétique de João Pedro Rodrigues et de Pedro Almodóvar à ses débuts.

Dans Ato noturno, les réalisateurs racontent l’histoire de Matias (Gabriel Faryas), un jeune et ambitieux acteur de théâtre qui répète une pièce avec une prestigieuse compagnie de théâtre et rêve des projecteurs. Lorsque son colocataire Fabio (Henrique Barreira), qui partage le rôle principal avec lui, attire l’attention de Pamela (Kaya Rodrigues), agent de casting qui cherche l’acteur principal pour une série nationale, Matias se console avec le sexe. Il fait connaissance de Rafael (Cirillo Luna) et les deux hommes s’engagent dans une relation torride, a priori sans lendemain.

Mais les choses ne se déroulent pas comme prévu. Matias et Rafael se revoient. Au fur et à mesure que leurs ébats deviennent plus audacieux, ils découvrent le goût partagé du danger d’être découverts. Les deux risquent gros. Rafael est candidat en lice pour devenir maire de Porto Alegre et Matias, qui a réussi à s’imposer face à Fabian, est averti que la moindre indiscrétion lui coûtera son rôle. Dans sa vengeance, Fabio se heurte à l’unique mission du ténébreux Camilo (Ivo Müller) : celle de protéger le futur maire.

Malgré quelques faiblesses narratives liées la crédibilité (par ex. le changement d’avis de la directrice de casting), et un certain essoufflement dans la dernière partie de ce film de 2h, Ato noturno incarne une fraîcheur impulsive, assumée et sans complexe, à l’instar de ses protagonistes. La fin fait fi des codes des genres cinématographiques du noir et du queer et séduit par sa grisante désinvolture.

La chimie irrésistible entre Gabriel Faryas et Cirillo Luna

« Nous avons imaginé Matias et Rafael comme une sorte de femme fatale et un danger l’un pour l’autre », explique Marcio Reolon. Les deux protagonistes – homme politique et acteur – sont des performeurs professionnels au quotidien. « Tout est théâtre pour eux », précise Matzembacher. « Nous voulions que ces personnages changent de personnalité tout le temps, comme s’ils devaient renier qui ils étaient ».

Tout comme son personnage, Gabriel Faryas, acteur de théâtre et artiste visuel, décroche avec Ato noturno son premier rôle de cinéma. « C’est mon rôle le plus difficile. Je ne partage aucune des motivations de Matias » se confie-t-il après la séance, provoquant des rires des spectateurs. Il est difficile de le croire, tellement Faryas semble à l’aise dans son débardeur crocheté rouge.

En face, Cirillo Luna, connu du public français comme Hippie « Pomme d’Amour » dans OSS 117 : Rio ne répond plus de Michael Hazanavicius, est séduisant et entièrement convaincant dans le rôle du futur maire en proie aux passions interdites. La chimie entre les deux acteurs est extraordinaire. Mêlant la tendresse, l’audace, le désir et l’humour, Faryas et Luna incarnent leurs personnages avec brio.

Les réalisateurs ont choisi Gabriel Faryas parmi mille candidats, avant d’engager Luna, acteur des séries télévisées. « Venant de deux états éloignés du Brésil, ils ont répété seulement deux semaines avant le tournage », explique Reolon. « Ils se sont immédiatement très bien entendus et ils ont été des partenaires engagés et attentionnés ».

Les scènes de sexe, qui se déroulent dans des lieux de plus en plus publics, sont d’une poésie intense et sauvage, d’autant plus que la beauté des deux acteurs est mise en valeur à travers une esthétique visuelle et une électrisante palette de couleurs. La bande-son originale de Thiago Pethit, Arthur Decloedt, Charles Tixier complète merveilleusement cette poignante expérience visuelle.