Alors que la saison culturelle Brésil-France vient de se clôturer, il est temps de remettre le couvert. Ce 1ᵉʳ décembre 2025 marque le début officiel de la saison culturelle nommée Le voyage en Ukraine, l’occasion pour la France et l’Europe de mettre en lumière le lien culturel qui les lie à leur allié. Comme un symbole, elle commence au moment même où les États-Unis présentent leur plan pour la paix à Moscou.
L’annonce en avait été faite le 29 octobre 2025 à Kiev lors d’une conférence de presse avec Eva Nguyen Binh, présidente de l’institut français, et Volodymyr Sheiko, directeur général de l’institut ukrainien : Le voyage en Ukraine aura bien lieu. Le but ? Mettre en lumière les multiples facettes de la société et de la création ukrainienne, tout en renforçant les liens entre artistes, institutions, professionnels et acteurs de la société civile des deux pays. Cette saison mettra ainsi à l’honneur les arts visuels, des spectacles vivants, du cinéma et des créations numériques. Des manifestations artistiques, complétées par des rencontres et des débats, qui se déroulent dans plusieurs villes françaises. Elle sera lancée ce soir, à Paris, lors d’une soirée inaugurale au Théâtre de la Ville, en présence de la Première dame d’Ukraine, Olena Zelenska, et du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères. Le slogan de cette soirée sera «La culture contre-attaque». Vraiment ?
À l’occasion de la réception d’Andriy Sybiha, ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, son homologue français Jean-Noël Barrot et la ministre de la Culture Rachida Dati ont inauguré, depuis le quai d’Orsay, « la saison de l’Ukraine en France ». Cette initiative de l’Institut français et de l’Institut ukrainien est, effectivement, réalisée en étroite collaboration avec leurs ministères de tutelle respectifs ainsi que l’ensemble des partenaires engagés dans la relation franco-ukrainienne : collectivités territoriales, opérateurs publics, entreprises et associations investies dans l’aide à la reconstruction de l’Ukraine. Un signal fort au moment où de nombreux artistes ukrainiens défendent leur pays dans les tranchées, et que 260 écrivains, poètes, traducteurs et éditeurs ont été tués depuis le début de la guerre, en février 2022.
Avec le voyage en Ukraine, la France entend démontrer que son soutien s’étend au-delà du champ militaire ou diplomatique, en offrant un espace à une culture mutilée. Depuis le début du conflit, les dégâts humains, sociaux et patrimoniaux en Ukraine sont considérables. D’après l’UNESCO, au 16 avril, 485 sites culturels ont été touchés, dont 149 sites religieux, 257 bâtiments d’intérêt historique ou artistique, 34 musées, 33 monuments, 18 bibliothèques, 1 centre d’archives et 2 sites archéologiques, auxquels viennent s’ajouter 4163 institutions éducatives. En quelques mots comme en cent, le but est de participer à la restauration du patrimoine culturel détruit et de lutter contre la décolonisation de l’espace culturel et la relecture de cette histoire. Un beau programme qui se déploie autour d’une cinquantaine d’événements traitant de thématiques diverses et essentielles dans ce contexte : les droits humains, la santé, la lutte contre la désinformation, la mémoire et le patrimoine.
Le Voyage en Ukraine constitue la plus importante saison culturelle internationale réalisée à ce jour par l’Institut ukrainien. Elle s’inscrit dans le cadre de l’initiative dévoilée le 3 juin 2025 par les ministères français et ukrainien des Affaires étrangères et de la Culture. « Cette saison n’est pas un aboutissement mais une étape », souligne Eva Nguyen Binh, présidente de l’Institut français, dans un communiqué. Rappelons quand même que cette initiative n’est pas une première : lancé en 2003, le Printemps français en Ukraine a égrené les propositions et coopérations artistiques dans les grandes villes du pays chaque année en avril jusqu’à l’invasion russe du 24 février 2022. Elle fait également écho au bon nombre d’échanges culturels ayant existé entre nos deux pays.
« Il est essentiel que les échanges culturels occupent une place prépondérante dans cette dynamique de rapprochement », poursuit-elle. Le voyage en Ukraine s’étendra sur l’ensemble du territoire français jusqu’en mars 2026, de Paris à Marseille, Lille, Toulouse, Rennes, Caen, Valenciennes ou Biarritz. Preuve de la volonté affichée de créer un lien pérenne entre les sociétés ukrainienne et française, un dispositif de labellisation est ouvert à toutes les collectivités, institutions culturelles et associations souhaitant s’associer à la saison, en lien avec des partenaires ukrainiens. Ce label permettra un appui à la communication et une mise en relation entre acteurs des deux pays, notamment via l’association Stand With Ukraine. Durant la guerre, près de 6 millions de réfugiés ukrainiens étaient enregistrés en Europe, et en août 2025, la France comptait quant à elle 73 640 réfugiés ukrainiens ayant obtenu une demande d’asile ou une protection temporaire selon les chiffres de l’UNHCR.
Alors quoi de mieux qu’une manifestation culturelle en France pour permettre à celles et ceux qui, par leur engagement, défendent la justice, la vérité et la liberté de l’Ukraine de s’exprimer ? Ce lundi 1ᵉʳ décembre, le Président de la République et Brigitte Macron ont reçu Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine, et sa première dame dans le cadre du Voyage en Ukraine. Dans un instant, on ne peut plus décisif, cette saison est aussi un moyen pour l’Europe et les Européens de faire bloc avec les Ukrainiens. Au moment même où deux puissances extérieures, la Russie et les États-Unis, négocient sans eux l’avenir de l’Ukraine et de l’Europe
Jeudi 20 novembre dernier, les États-Unis ont en effet dévoilé un plan de paix. Ce projet impose entre autres choses d’importantes concessions à l’Ukraine au profit de la Russie, en reprenant pour lui-même un grand nombre de revendications du Kremlin et contraignant Kiev à céder sur un grand nombre de ses lignes rouges. Parmi les propositions les plus critiquées : une cession à la Russie des territoires occupés du Donbass et de la Crimée, une limitation des forces armées de Kiev à 600 000 militaires (contre environ un million aujourd’hui), ou encore l’interdiction pour l’Otan de «s’étendre». Ce plan a vraiment désarçonné Kiev et ses alliés européens. Et pour cause : aucun d’entre eux n’a participé à sa rédaction.
Alors ces derniers jours, de Kiev à Bruxelles en passant par Paris et Berlin, on s’est bien remué. Résultat : dimanche, Européens, Ukrainiens et Américains se sont retrouvés en urgence à Genève, en Suisse, pour discuter de ce plan en 28 points, ensuite réduit à 19 par les diplomates américains. À l’issue de la rencontre, tous ont salué des progrès. De quoi nous rassurer ? Pour faire voir cette nouvelle mouture de plan, Steve Witkoff, émissaire de Donald Trump, s’est rendu à Moscou ce mardi 2 décembre. À la suite de sa visite, “aucun compromis” n’a été trouvé selon le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov, pour faire la paix. Au contraire, Vladimir Poutine a assuré le jour même qu’il était “prêt à faire la guerre à l’Europe” si cette dernière le désirait. Ca n’a pas l’air de beaucoup l’intéresser, lui, Le voyage en Ukraine.
Pourtant, il y a de quoi faire avec les multiples temps forts de cet événement destiné à faire rayonner la culture ukrainienne dans l’hexagone. À Paris, du 10 au 13 décembre, le Théâtre de la Concorde offre une séquence nommée Ukraine, un souffle de liberté, avec quatre journées dédiées à la résistance de la société civile, avec la participation exceptionnelle d’Oleksandra Matviichuk (Prix Nobel de la paix 2022). Au programme, table ronde, concert, lecture de poésie contemporaine ukrainienne ainsi qu’une exposition La liberté sous le feu : voix et communautés de l’Ukraine en temps de guerre, du 10 au 21 décembre. Par ailleurs, la musique n’est pas en reste à Toulouse, où se déroule le 11 septembre un concert hommage au compositeur Valentin Silvestrov par l’Orchestre national du Capitole. Et quid de la bouche ? À Marseille, la Friche Belle de Mai, un espace de 45 000 m² où on fabrique, on produit, on diffuse et on partage de l’art et de la culture, propose un focus sur la gastronomie ukrainienne le 30 et 31 janvier. De quoi bien nous faire saliver…
Visuel Principal : © Emmanuel Macron