En compétition officielle à Cannes, le norvégien Joachim Trier retrouve son actrice fétiche Renate Reinsve pour un drame familial sensible et bergmanien, à la mise en scène toujours aussi époustouflante et qui est un hommage aux acteur.ice.s.
Une ancienne maison en bois rouge et blanc, filmée sous tous les angles. Écran noir. Puis la voix d’une petite fille qui raconte comment elle a fait parler cette maison dans une composition pour l’école. Tout est déjà là, dès les premières images de Valeur sentimentale, le nouveau film du cinéaste norvégien Joachim Trier, présenté en compétition à Cannes. Il retrouve ici, pour notre plus grand plaisir, son actrice fétiche Renate Reinsve, Prix d’interprétation féminine à Cannes pour Julie (en 12 chapitres).
La mise en scène est toujours aussi élégante, et le ton, plus que jamais bergmanien, comme dans son précédent opus en compétition. Trier explore cette fois les liens fragiles et ambigus entre un père cinéaste et ses deux filles. L’aînée, Nora, est la plus vulnérable. Alors que les générations et les constellations familiales se sont succédées dans la maison ancestrale, la mère, psychanalyste, vient de mourir. Au pot post-funérailles, le père réapparaît soudainement. Il propose à Nora, devenue comédienne de théâtre, de jouer le rôle principal dans son nouveau film, écrit spécialement pour elle et tourné dans la fameuse maison. Nora refuse. Le père recrute alors une star américaine, croisée au festival de Deauville, pour le rôle.
À la fois comédie grinçante et mélo intimiste, Valeur sentimentale commence par des plans hachés et se poursuit par des séquences de plus en plus longues, comme si la caméra avait de plus en plus de difficultés à faire rideau pour nous garder deux heures trente. Ce film – qui est aussi un véritable mode d’emploi de la direction d’acteur.ice.s, s’inscrit comme une pierre de plus dans l’édifice complexe de l’œuvre de Joachim Trier. Les interprètes sont remarquables, de Renate Reinsve à l’immense Stellan Skarsgård dans le rôle du père, en passant par Elle Fanning, parfaite en starlette hollywoodienne hypersensible.
Portant sur le poids de l’histoire, les blessures générationnelles et le pouvoir du cinéma, Valeur sentimentale est l’un des films les plus structurés de cette édition cannoise — mais il se mérite. Armez-vous de patience : cela en vaut largement la peine.
Valeur sentimentale, de Joachim Trier, avec Renate Reinsve, Inga Ibsdotter Lilleaas, Stellan Skarsgård, Elle Fanning ,2h12, Norvège, Festival de Cannes 2025, Compétition, Sortie française prévue pour le 20 août 2025.
(c) Kasper Tuxen / Memento films