Pour sa 9ᵉ édition, le Week-end à l’Est met en lumière Bucarest, la capitale de la Roumanie. Il se déploie du 19 novembre au 1er décembre 2025 dans 20 lieux différents du 6ᵉ arrondissement de Paris. Cinéma, débats d’idées, littérature, concerts, expositions, architecture : Brigitte Bouchard, la directrice artistique du festival, nous présente cette riche programmation.
Brigitte Bouchard: elle est née à la Librairie Polonaise où les éditions Noir et Blanc avaient leur bureau. Vera Michalski dirige cette maison d’édition et j’avais créé la collection Notabilia, hébergée chez Noir et Blanc. Ensemble, nous avons eu le souhait de promouvoir la littérature des pays de l’Est en créant un festival littéraire. Le but était aussi de redynamiser sur le plan culturel le sixième arrondissement. Puis l’idée d’un festival multidisciplinaire s’est ensuite imposée. La production artistique de l’Europe centrale et orientale est foisonnante mais reste insuffisamment connue.
BB : On espère que le public sera au rendez-vous ! Le lien culturel ancien, étroit entre les deux pays devrait attirer les festivaliers. Bucarest est une ville très créative. Ce festival devrait être une expérience de vie.
BB: il doit montrer la Roumanie telle qu’elle est aujourd’hui, son point de vue sur le monde, sa beauté, ses difficultés. Nous sommes dans l’actualité ! Nous voulons raconter des histoires contemporaines, sans gommer le passé qui reste très présent. Il faut aussi soutenir la liberté de création en Roumanie: vous le verrez, certains spectacles sont très radicaux comme la performance Blot de Simona Deaconescu au Théâtre de l’Alliance Française, le samedi 22 novembre.
BB : les blessures de cette époque sont encore très présentes. La littérature y revient beaucoup tout comme le cinéma. Le film de Corneliu Porumboiu 12h08 à l’Est de Bucarest aborde ce sujet, il est formidable, très drôle. 12H08 c’est l’heure de la mort du couple Ceausescu. Le poids de la pression sur le peuple était alors énorme.
BB: son choix comme parrain était assez évident et il a eu un rôle important dans l’élaboration du programme du festival. Cristian Mungiu est très impliqué dans le soutien à la culture roumaine. Il parle le français et vient souvent ici. Il a créé un festival à Bucarest qui projette les films sélectionnés à Cannes…
BB : oui, on en a beaucoup parlé. Un autre film d’Alexander Nanau Toto et ses sœurs décrit la misère d’enfants livrés à eux-mêmes. La pauvreté est souvent criante en Roumanie, il y a un manque d’investissement de l’état dans le social et dans l’éducation. La corruption est énorme. Elle a participé aux fraudes qui ont conduit au début de l’année à l’annulation de l’élection présidentielle !
BB : ce thème est très prégnant. Il concerne ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui reviennent mais se sentent déphasés. Elle décrit bien le désir de liberté, de légèreté qui conduit à l’exil mais aussi les désillusions, la culpabilité, les difficultés voire l’impossibilité de revenir vraiment.
BB : j’ai été horrifiée par ce passé. Cristian Mungiu s’est aussi emparé du sujet dans son livre Une vie roumaine traduit par Laure Hinkel. Il a interrogé les silences de sa grand-mère et découvert ses souffrances même si elle a survécu.
BB : Oui , je n’étais pas au courant, mais on a rajouté le documentaire au programme, en avant-première de sa diffusion sur Arte en février prochain. Il poursuit l’enquête de Sonia Devillers sur son histoire familiale dans Les Exportés.
BB: il y a un concert classique le vendredi 21 novembre en l’église de St-Germain des Prés. Le duo K not K propose un spectacle détonnant, une musique électro et dansante inspirée par le jeu d’échecs. Le concert de clôture par le groupe Subcarpati va être spectaculaire, mêlant musique contemporaine et traditionnelle roumaine dans une profusion d’énergie.
BB : leur sort n’est pas enviable, ils sont ostracisés. Mihaela Dragan déconstruit les préjugés avec humour et intelligence, elle est très investie dans la de-stigmatisation de la communauté Roms.
BB : Clara Ysé a une passion pour les poèmes de Paul Celan. Elle va lire ses poèmes à la Chapelle des Beaux arts accompagnée par le pianiste Gaël Rakotondrabe. Annie Dutoit-Argerich ( la fille de Martha) va lire Le roi se meurt d’Eugène Ionesco au théâtre de l’alliance, là où a été créée la pièce en 1962. Elle sera accompagnée de la pianiste Axia Marinescu.
BB : La scène artistique est bien organisée à Bucarest avec un nombre important de galeries. Ici, le parcours artistique a été élaborée par Alain Berland, le commissaire des expositions. Mircea Cantor est bien reconnu en France mais beaucoup d’artistes exposent pour la première fois à Paris. Au 22 Visconti, les dessins muraux de Dan Perjovschi sont très satiriques, très liés à l’actualité. Cristian Mungiu montre les photographies de ses films et des lieux de tournage.
BB : ils sont chanceux ! En quelques jours, ils peuvent découvrir un condensé de la scène artistique roumaine. 70 artistes sont invités, c’est une occasion unique. Ils sont conviés à une fête, à une expérience de vie. Ce week-end à l’est est aussi nécessaire car nous avons besoin de créer des ponts, de regarder le monde sans frontières mentales.
visuel(c) : Saddo. Affiche du festival
Un Week-end à l’Est, jusqu’au 1er décembre 2025, Paris, 6ème arrondissement.