Pour son troisième film, c’est une femme ayant la cinquantaine que choisit de suivre la caméra de Gia Coppola, réalisatrice et photographe américaine. Dans un juste mélange de poésie, de force, de sensibilité et de solitude, la réalisatrice dresse le portrait de Shelley, incarnée par Pamela Anderson, et de la constellation sororale et pailletée qui gravite dans sa vie. La vie de ces danseuses se trouve bouleversée alors que leur cabaret est brusquement interrompu, après 30 ans de représentation, entraînant alors The Last Showgirl.
En seulement 18 jours de tournage, le travail cinématographique, photographique et d’interprétation de The Last Showgirl est remarquable. L’authenticité, la douceur et la puissance des acteurices sont louables et sublimées par le travail minutieux de l’équipe de production.
Dans cette adaptation de la pièce de Kate Gersten, le public plonge dans une atmosphère nostalgique entre illusions d’une époque perdue et désillusions d’une réalité brutale. La nostalgie de cette époque est inscrite dans l’empreinte même de la caméra puisque les plans sont tournés en pellicule 16mm à gros grains, un choix audacieux à une époque où le numérique domine, et où la pellicule 35mm reste la norme pour les films non numériques.
Cette particularité offre une perception étrange, les bords de l’image apparaissent déformés et floutés. Cet effet accentue la réalité de songes sur laquelle est construit le monde et l’imaginaire de notre danseuse principale, Shelley.
Les leitmotiv picturaux, les décors spectaculaires de Los Angeles faits de néons, de musiques (dont Total Eclipse of the Heart) et de paillettes, créent une ambiance immersive et totalement féérique.
L’actrice, souvent réduite à des images sexualisées, délivre une performance d’une authenticité poignante. Choisie notamment pour ses ressemblances avec le personnage de Shelley, femme résumée à son apparence et aux stéréotypes de son image qui cachent une véritable poésie et une profonde sensibilité. Pamela Anderson se livre à ce jeu de double avec virtuosité : entre maquillages et parures et visage dénué de tout artifice, la beauté de cette femme est indéniable.
Le film célèbre également la beauté et la nécessité de représenter des femmes de plus de cinquante ans à l’écran. Alors que dans une scène de casting Shelley est renvoyée : « C’est fini pour vous. On ne veut plus vous voir », l’actrice et le personnage se battent pour rester dans la lumière, pour défendre leurs présences et leurs histoires.
Au cœur même de la beauté de ce film, se trouve la mise en valeur constante de personnages féminins. Dans les représentations de ces danseuses du cabaret Razzle Dazzle, inspiré du Lido français fait de plumes et paillettes, tout n’est que douceur et beauté. La réalisatrice offre une œuvre qui nous immerge dans les failles et intériorités de ces femmes. Seul personnage masculin, Eddie (Dave Bautista), reste en marge de cette sphère intime façonnée par les danseuses à laquelle il est totalement imperméable.
L’alchimie, la complexité et la grande sensibilité des relations interpersonnelles féminines est visible à l’écran : le duo d’Annette et de Shelley est tout simplement bouleversant. Cette relation, écrin familial et d’amour qui s’est développée dans le temps, est représentée par une alternance de plans où silences, soleils, conversations et difficultés traversent l’écran. Ce duo aux visages ridés est merveilleux et magnifique. Cette constellation de femmes, de différentes générations, traverse ensemble les épreuves, s’offrant des instants de lumière et de soutien pour savourer les derniers éclats de paillettes.
Toutes voyagent collectivement et individuellement, sans être réduites à des rôles de mère, fille, amie, amante…
En salle à partir du 12 mars, Gia Coppola livre un véritable chef-d’œuvre de couleurs, de sensibilité et de puissance dans lequel plonger pendant une heure et demie enchantée.
visuel : ©Gia Coppola