Le 25 janvier 2025, Marine Delplace a remporté la finale de la Star Academy, une victoire au goût amer dans un contexte raciste et sexiste : retour sur une saison qui a révélé les fractures sociales et interrogé la place des minorités dans la culture populaire.
Lancée en 2001 en France et adaptée dans de nombreux pays, la Star Academy est devenue bien plus qu’un simple concours musical. En France, l’émission s’est imposée comme un phénomène de société, donnant une tribune à de jeunes talents et, parfois, à des enjeux sociétaux plus larges. Le concept est simple, mais efficace : des candidats isolés dans une académie suivent des cours de chant, de danse et de théâtre, tout en se produisant chaque semaine lors de spectacles en direct. Chaque saison se termine par une grande finale qui couronne un vainqueur, souvent promis à une carrière musicale.
Cette édition de la Star Academy a mis en lumière des revendications sociétales marquantes. Parmi les candidats, Marguerite s’est illustrée par ses discours féministes et LGBTQIA+, tandis qu’Ebony Cham, finaliste d’origine antillaise, a porté la voix des femmes noires en France.
Lors des demi-finales, Ebony Cham a touché le public avec son interprétation de Ne me jugez pas de Camille Lellouche, dénonçant les discriminations systémiques. « Quand on est une femme noire, il faut dire ce qui est : la vie n’est pas comme pour les autres », a-t-elle confié, espérant inspirer les jeunes générations à embrasser leur identité.
Cependant, cette visibilité a provoqué des réactions violentes. Ebony, ainsi que Franck, un demi-finaliste noir, ont été la cible d’attaques racistes sur les réseaux sociaux. Des propos haineux tels que « votez tout sauf pour le macaque » ont circulé, suscitant l’indignation.
Quelques jours avant la finale, la production a annoncé une mesure inédite : l’ouverture des votes aux français d’outre-mer. Cette décision aurait dû renforcer les chances d’Ebony, très soutenue aux Antilles. Pourtant, malgré cet avantage, Marine Delplace a remporté 65 % des suffrages.
La victoire de Marine, bien que méritée pour son talent, a été éclipsée par le contexte. Quelque temps avant la finale, la production et SOS Racisme ont porté plainte contre les propos racistes visant Ebony et Franck.
Cette édition de la Star Academy a exposé des fractures sociétales profondes : racisme, sexisme et discriminations systémiques. En réalité, les racistes ne sont pas les seuls à s’indigner contre Ebony. Dès lors qu’une femme noire accède à la célébrité, à la gloire, un racisme « inconscient » voit le jour. Le parcours d’Ebony symbolise une lutte bien au-delà de la compétition : cette jeune artiste devient une figure emblématique de la lutte contre le racisme et la mysoginoir. Cette notion est inventée par Moya Bailey en 2010 alors qu’elle est étudiante à l’Université Emory. Au départ, ce terme est utilisé pour décrire une misogynie dirigée contre les femmes noires dans le hip-hop. Aujourd’hui, il désigne davantage une façon de déprécier les femmes noires et racisées, un mélange de discrimination raciale et de sexisme. Car, non seulement Ebony est noire, mais c’est également une femme. Du point de vue des haters, c’est une double peine.
Comme le souligne Virginie Spies, spécialiste des médias, la Star Academy ne peut plus se contenter de divertir. « La télévision est un miroir de la société », rappelle-t-elle. En mettant en avant des candidats engagés, l’émission a assumé une portée politique, mais a aussi révélé les limites d’un dispositif encore vulnérable aux dérives.
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