Simone Signoret : l’actrice mythique à la filmographie incomparable, mise à l’honneur en 2025

En cette fin d’année 2025, l’actrice au légendaire parcours, Simone Signoret, se trouve sous les feux des projecteurs : un livre et un biopic lui sont consacrés.

Sorti le 1^er octobre, le biopic de Diane Kurys, Moi qui t’aimais, avec Marina Foïs et Roschdy Zem,  qui met en scène l’histoire d’amour entre l’actrice et l’interprète des Feuilles mortes, propulse Simone Signoret sur le devant de la scène.

Mais avant cela, le 10 septembre, un livre intitulé Simone Signoret, histoire d’un amour, sortait en librairie. L’auteur Nicolas d’Estienne d’Orves, veut lui aussi raconter cette passion entre l’actrice oscarisée et le chanteur, mais en donnant la parole à Simone. Une passion racontée à travers le regard de la comédienne, avec ses mots, où vie publique et vie intime se mêlent.

Du Casque d’Or à La Vie devant soi : une filmographie exemplaire

Sur un physique semblable à celui de la légendaire Romy Schneider, Simone avance dans le paysage cinématographique français. Sa voix rauque et ses yeux azurs ont bouleversé l’histoire du 7^ème art.

Elle est l’une des rares à avoir obtenu un oscar, la Signoret séduit aussi de l’autre côté de l’Atlantique. En 1960, elle obtient la statuette dorée pour son rôle dans Room at the Top-Les Chemins de la haute ville.  Près de 20 ans plus tard, c’est la France qui la récompense-enfin-pour son rôle de Mme Rosa dans l’adaptation d’un classique de la littérature française : La Vie devant soi.

Repérée en 1941 sur les faubourgs de Saint-Germain-des-Prés, le cœur artistique et intellectuel parisien d’alors, elle débute sa carrière l’année suivante. Elle fait d’abord de la figuration ou interprète des petits rôles-souvent non crédités-avant d’obtenir, en 1946, son premier grand rôle dans Les Démons de l’Aube. Un film du cinéaste Yves Allégret qu’elle épousera et avec qui elle aura son unique enfant. Mais la consécration arrive en 1951 avec Casque d’Or, elle y campe une travailleuse du sexe de Belleville, libre, passionnée et tragique. Dès lors sa carrière s’envole : elle tournera avec Clouzot, Marcel Carné, Jack Clayton, Jean-Pierre Melville, Costa-Gavras, Bertrand Tavernier et tant d’autres.

Un corps soumis aux normes

Evoluer en tant que femme dans le monde du cinéma n’est pas chose facile. Un milieu en proie à une dictature sévère, surtout imposée aux femmes : celle de la beauté.

Loin de l’image du film réalisé par Jacques Becker, Casque d’Or, où il est difficile de ne pas comparer la beauté de Simone Signoret à celle de l’interprète de Sissi, l’actrice essuiera maintes remarques sur son apparence. Mais si sa beauté fait rage au début de sa carrière, elle ne lui offrira pas pour autant les meilleurs rôles. Elle l’assujettira. Dans 12 films, elle interprètera des travailleuses du sexe ou des « créatures » diaboliques. Des rôles figés, dans lesquels elle ne s’épanouira pas : c’est le prix de la beauté, mais au moins elle tourne. Puis Simone vieillit, les rôles se font plus rares. Peut-on jouer la femme fatale à 40 ans ? Dans les années 60 la réponse est non. Paris Match écrivait : « La grande actrice qu’elle fut s’efface derrière un visage bouffi, presque méconnaissable. »

Simone Signoret, c’est la femme absolue, celle que l’on nous vend depuis des siècles dans les romans et dans les films. Une jeune femme d’abord belle et docile puis vieillissante qui, n’étant plus dans la fleur de l’âge perd tout, tandis que l’homme se « bonifie » avec le temps. Dans la presse, elle doit assumer les humiliations, les journalistes comparant son physique à celui de son mari, Yves Montand.  Yves Montand le beau, Yves Montand, le grand, Simone la « rustre ».

Sur le chemin de l’actrice de Room at the Top, il y a cet homme, grand, brun, que l’on acclame et que les filles adorent. Une relation très médiatisée, pour le meilleur comme le pire. Dès sa rencontre avec le chanteur en 1949, Simone plaque tout : mari et enfant. 3 ans plus tard, ils se marient. C’est le début des années « Montand-Signoret ». Des années en forme de montagnes russes où l’actrice vivra passion et humiliation. Elle apprendra dans les journaux la liaison du chanteur avec la comédienne américaine Marilyn Monroe. Et les critiques seront acerbes : « Après avoir vu son mari avec Marilyn Monroe, Simone Signoret a abandonné Hollywood pour tourner à Rome. L’actrice n’a pas de problème avec sa ligne. Elle parvient sans mal à rendre intéressants ses 20kg en trop. » C’est elle la coupable de cette relation.

Simone se défend : « Dans le fond ce serait très décevant d’être avec un Mr qui ne plaît à personne ». Car des liaisons il en aura d’autres.

Les journaux titrent: « Montand garde le charme viril des années d’avant, quand Signoret, elle, s’alourdit et se fait oublier derrière ses convictions. »

C’est donc non seulement son physique, mais aussi son intelligence visible, son engagement que l’on critique. Des qualités qui, lorsque l’on est une femme sont regardées comme des défauts. Pour la société patriarcale il faut choisir être belle et docile ou intelligente et indépendante. Simone a choisi.

Une personnalité intellectuelle et engagée

« Le type même de l’intellectuelle de gauche avec ce que cela comporte d’un peu ridicule mais aussi de généreux », c’est comme cela que l’actrice se décrit.

Simone Signoret c’est cette interprète qui manie la langue un peu à la façon de Duras : en faisant des pauses, en prenant le temps de choisir le bon mot. Ses yeux bleus, sa voix singulière et son intonation, emmitouflée dans des cols roulés blancs, une clope au bec, nous font grandement songer à l’écrivaine de L’Amant. Les mots tiennent une place toute particulière dans son existence. En tant qu’actrice d’abord, elle est celle qui donne vie aux mots, mais aussi en tant qu’auteure. L’actrice du Casque d’Or publiera 3 livres dont Adieu Volodia, le dernier en date qui rencontre un certain succès auprès des critiques. Un roman historico-politique qui se lit comme une grande fresque sur des artistes et militants juifs d’Europe de l’Est, de l’entre-deux-guerres. Mais c’est sa première publication,  La nostalgie n’est plus ce qu’elle était, un roman autobiographique, qui connaît le plus des succès et obtient le Prix des libraires.

De nombreuses archives vidéo montrent l’actrice sur un canapé ou sur une chaise évoquant la psychologie humaine à travers sa vie ou celle des autres. Des microfilms précieux empreints de sa liberté et de sa spontanéité, mais surtout de son intellectualité.

Simone, c’est aussi une comedienne engagée, qui n’a que fait d’être trop « politisée », de saturer les médias avec ses idées de gauche. Affamée de paix et d’indépendance, l’actrice s’engage et le fait savoir, souvent aux côtés de son amour, Yves Montand. Mais Simone l’affirme, elle ne suit pas Yves, c’est ensemble qu’ils agissent. Dans la boîte aux lettres du couple croulent tous les matins des tonnes de courriers d’associations, de partisans demandant aux deux stars de s’intéresser à leurs causes. C’est les  « coups de cœurs » qui poussent le chanteur et l’actrice à s’engager. Lors d’une interview, elle corrige le journaliste :

« -C’est des « coups de cœurs comme dit Montand ?

-Bien sûr, c’est des coups de cœurs, comme on dit, tous les deux. »

Née le 25 mars 1921 en Allemagne, elle est la fille d’un Français d’origine juive polonaise et d’une française d’origine Marseillaise. A l’image de sa naissance qui se fait entre deux guerres, ce sont les conflits politiques qui ont toujours animé l’actrice de L’Aveu. Son existence est marquée par la guerre. De la première guerre mondiale à la guerre d’Algérie, Simone s’est toujours positionnée en faveur de la paix. En 1960 le nom de Simone Signoret apparaît dans la Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, dix auparavant elle signait le Manifeste de Stockholm contre l’arme nucléaire. Son engagement se fait aussi à travers sa filmographie. Elle joue en 1956 dans Les Sorcières de Salem, un film politique déguisé contre le Maccarthysme puis dans L’Aveu de Costa-Gavras, en 1970, un film qui raconte la lutte contre le fascisme soviétique.

L’affaire Pierre Goldman animera fortement l’actrice. Un militant intellectuel d’extrême gauche, frère du compositeur Jean-Jacques Goldman, accusé d’avoir tué 2 pharmaciennes. Simone assistera à l’entièreté de son procès et soutiendra le jeune homme. Il sera finalement acquitté.

La liberté au cœur

Certaines actrices affirment qu’il est difficile de se regarder vieillir, comme Emmanuelle Béart qui, dans un entretien accordé à Konbini comparait l’écran à « un miroir permanent de l’état dans lequel tu es ou tu deviens ». Simone, elle, déclare : « Je n’ai aucune amertume de ne plus être celle que j’ai été physiquement. »

A l’image de son engagement, qui n’a que faire des critiques, Simone n’a que faire de vieillir. L’actrice ne se conforme pas : ce qu’elle souhaite elle s’est jouée, vivre et aimer. Des mots d’ordre qui lui collent à la peau et qui lui réussissent si bien. Sa vieillesse devient une force : elle sait rebondir malgré les rides qui l’ont écartée -un temps- des plateaux de cinéma. Simone Signoret renaît : fini les rôles de mauvaises filles, de « catins » diaboliques, la voilà au-devant de rôles très sérieux. C’est le film qui lui a valu un Oscar qui marque un tournant dans sa carrière. Dès lors les rôles prestigieux et les prix décollent : La Nef des fous, L’Armée des ombres, Le Chat, L’Etoile du Nord, La Vie devant soi…

Ironie du sort, en 1968, elle interprète Irina dans La Mouette, une adaptation de Tchekhov par Sidney Lumet. Un personnage qui ne supporte pas de vieillir quitte à délaisser son propre enfant qui lui rappelle son âge. Un rôle aux antipodes des convictions personnelles de l’actrice donc mais qui les fait d’autant plus briller, tant Irina est détestable.

« Si j’avais été plus soigneuse de moi-même, […], je serais peut-être restée plus longtemps plus jeune d’aspect mais j’aurais raté des choses formidables sur le plan professionnel. »

Une liberté qui se dessine aussi dans l’intimité, même face aux infidélités de Montand.

De sa tromperie la plus médiatisée, sa liaison avec la blonde Marilyn, Simone retiendra l’humiliation mondiale qui fait mal, du reste elle « s’interdit de juger ce qui a pu se passer entre un homme, […] et une femme, [s]a copine, qui travaillaient ensemble, vivaient sous le même toit et[…] partageaient leur solitude, leurs angoisses, leur humour et leurs souvenirs d’enfants pauvres ». Liberté ou docilité ? Une histoire qu’elle affirme avoir bien comprise et qui selon elle ne regardait qu’eux quatre.

Simone Signoret, une actrice et écrivaine touchante par son authenticité, celle dont on voudrait imiter la liberté et la passion. Au cinéma des rôles de femmes fatales, puis des rôles complexes, accomplis, intellectuels et captivants.

L’existence de Simone s’écrit comme l’histoire de la femme absolue : libre, vivante et engagée.