En cette rentrée 2025, l’Espace culturel ICICLE propose d’entrer dans un univers où les éléments débordent des corps à la fois fragiles et mystérieux. Généralement concentré sur la scène contemporaine chinoise, le cocon méditatif de l’avenue Georges V accueille pour la première fois une artiste japonaise : Shiori Eda, avec l’exposition Par-delà Ciel et Terre, présentée en collaboration avec la galerie A2Z.
Dès qu’on entre au 3ᵉ étage de la boutique ICICLE de l’avenue Georges V, dans le cocon de l’espace d’exposition, on est saisi par un contraste. D’un côté, l’on est hypnotisé par de grands tableaux sombres où les éléments semblent déborder des corps dans un élan vital qui défie les limites de la toile. De l’autre, une installation centrale nous fascine et nous trouble : à la fois minérale et organique, tellurique et féerique, il s’agit d’une grande sculpture où des corps de femmes paraissent dans des barques aussi légères que poétiques autour d’une roche centrale primale. L’univers de Shiori Eda est une invitation dans un territoire sensible où l’intime épouse l’infini dans un face-à-face vertigineux.
Nous sommes donc invités à découvrir quatorze œuvres récentes, dont plus de la moitié sont inédites et créées spécialement pour l’occasion, qui révèlent une artiste ayant trouvé sa voix singulière entre deux mondes. Née en 1983 au Japon et diplômée des Beaux-Arts de Tokyo, Shiori Eda vit depuis dix ans en France, où elle est représentée par la galerie A2Z. Ses toiles ont déjà conquis les foires internationales, d’Art Paris à Shanghai, Westbund Art & Design, et trouvé leur place dans d’importantes collections, comme le Long Museum de Shanghai ou le Musée Cernuschi. Il y a quelque chose d’hypnotique dans ces peintures, qui naissent d’une méditation profonde sur la nature, perçue non comme un décor, mais comme une force primitive et profondément ambivalente. Des silhouettes féminines, minuscules et nues, traversent des paysages démesurés — terrestres, aquatiques ou célestes — qui semblent les avaler autant que les porter. Elles avancent, fragiles, mais résolues, dans un entre-deux perpétuel, oscillant entre surgissement et engloutissement, émergence et dissolution.
La technique de Shiori Eda, héritée de la tradition picturale de la grisaille ou du chiaroscuro, est réinventée avec une sensibilité contemporaine. Ses fines superpositions de gris, d’où surgissent parfois, comme des épiphanies, des éclats de couleur, créent une atmosphère trouble et magnétique. La finesse des variations de lumière renforce la sensation de vulnérabilité des corps face à la puissance cosmique des éléments qui les entourent. « De cette tension entre la fragilité humaine et la puissance des éléments naturels qui la dépassent naît une poétique singulière : celle de l’infime et de l’incommensurable », souligne la commissaire de l’exposition, Myriam Kryger. On touche là à l’essence du travail de Shiori Eda : faire dialoguer l’infiniment petit avec l’infiniment grand, le fugace et l’éternel.
Avec Par-delà Ciel et Terre, l’Espace culturel ICICLE confirme sa vocation de passerelle entre les scènes artistiques asiatiques et Paris, offrant bien plus qu’une simple exposition, un véritable moment d’éternité où les visiteurs et visiteuses s’exposent eux-mêmes à la puissance de forces élémentaires et archaïques qui dépassent l’humain. Dans ce face-à-face avec l’œuvre de Shiori Eda, chacun expérimente à son tour cette confrontation entre sa propre fragilité et l’immensité cosmique, retrouvant peut-être, l’espace d’un instant, ce lien primitif et essentiel qui nous relie aux origines du monde.
Shiori Eda – Par-delà Ciel et Terre du 9 septembre au 10 octobre 2025, Espace culturel ICICLE, 35 avenue Matignon, 75008 Paris, Du lundi au samedi, 11h-19h – entrée libre
Visuels : Vernissage par YH / Boat III, 2024, Huile sur toile, 97×162cm, Courtoisie de l’artiste et A2Z Art Gallery / Recherche d’équilibre, 2022, Huile sur toile, Courtesy artiste et A2Z Gallery – Quiet force II, Huile sur toile, Courtesy artiste et A2Z Gallery