Sean Baker, réalisateur d’Aurora, appelle au soutien des films indépendants à quelques jours des Oscars
par Camille Zingraff26.02.2025
Lors de la remise d’un prix de la cérémonie Film Independent Spirit Awards, qui récompense les films indépendants, Sean Baker, réalisateur de Anora, offre un discours que toute la salle écoute avec concentration et conviction : d’une voix assurée où l’urgence et la passion se mélangent, le réalisateur appelle au soutien des projets indépendants et des idées moins conventionnelles qui en découlent.
Appel à l’indépendance et à la liberté : de l’écran…
Cette cérémonie de remise de prix, moins célèbres que d’autres, a pourtant une sélection de choix et un critère exigeant : les films soutenus et mis en lice sont produits avec moins de 30 millions de dollars. Le 22 février dernier, Anora, produit avec 6 millions de dollars, reçoit une double récompense : meilleur film et meilleur réalisateur. Ce film où l’on suit la jeune Anora, dite Ani, travailleuse du sexe, fait une fresque sombre de l’American Dream et des moyens utilisés pour accéder à une liberté monnayée dans laquelle la jeune femme se rend, emplie d’illusions très vite défaites.
Sean Baker, déjà auréolé de la Palme d’Or à Cannes l’an dernier, et en lice dans 6 catégories pour les Oscars le 2 mars prochain, rappelle la difficulté à se produire quand on ne fait pas partie des favori.es d’Hollywood.
… à l’arrière scène…
Cette indépendance, ces réalisateurs et ces réalisatrices y tiennent afin de porter des sujets moins lisses, des acteur.ices doué.es et non pas choisi.es selon le nombre de « followers qu’iels ont sur les réseaux sociaux », et ce, malgré la lutte acharnée et la difficulté de produire un film avec peu de budget. En rappelant les conditions iels évoluent, Sean Baker appelle à la nécessité de la reconnaissance et de soutien de la part de l’industrie cinématographique.
Prix au sol, discours dans les mains, le réalisateur soutient avec insistance, face à une assemblée concentrée qui acquiesce et applaudit à de nombreux endroits du discours, propose une entraide de tous les secteurs de l’industrie :
« Nous pouvons travailler ensemble, les réalisateurs pourraient travailler avec les agences, les sociétés de vente de films et les distributeurs, afin de rendre les films indépendants viables pour les créateurs et de maintenir les films indépendants en vie »
« Le système doit changer, c’est insoutenable »
Un changement urgent est nécessaire dans l’industrie cinématographique dont les codes capitalistes et les rouages bien huilés écrasent les films et artistes indépendants.
Brady Corbet, réalisateur de The Brutalist, odyssée cinématographique de 3h35, a produit son film avec moins de 10 millions de dollars. Ce dernier a souligné la difficulté et la douleur pour ces artistes et leurs projets mis à mal par un manque de subventions :
« The Brutalist a été réalisé pour moins de 10 millions de dollars. Pour y parvenir, je devais négocier avec des individus dont je ne partageais pas l’éthique. (…) Je m’en sors difficilement. Le cinéma ne rapporte pas des fortunes. Vous travaillez des années, vous ne touchez pas des sommes démentes et, si jamais vous touchez plus, cela ne vous permet pas de tenir le temps de faire décoller un autre projet. »
Il n’y a qu’à espérer que ces artistes et ces projets soient récompensés aux Oscars et que leurs discours se diffusent avec une plus grande ampleur afin de continuer à maintenir la culture debout, que ce soit dans l’Amérique de Trump ou dans une Europe où l’extrême-droite monte et écrase discrètement mais surement cette culture, qui résiste encore.
visuel : ©X, capture d’écran
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