Monstre sacré du cinéma américain et mondialement connu, l’acteur et réalisateur Robert Redford est décédé le 16 septembre à l’âge de 89 ans.
Acteur habile dans les rôles de héros torturé autant que flamboyant, Robert Redford a navigué toute sa vie entre collaborations mémorables avec d’autres monstres sacrés – Paul Newman, Meryl Streep, Sydney Pollack… –, défense du cinéma indépendant, de la cause écologique, et passage remarqué derrière la caméra. Ce monument du cinéma américain et mondial est décédé mardi 16 septembre à 89 ans, a annoncé son agente Cindi Berger, citée dans le New York Times.
Robert Redford est né en 1936 à Santa Monica en Californie, dans une famille de la classe moyenne, entouré d’un père comptable, conservateur et d’une mère au foyer progressiste. Ce cocktail détonnant en fait un enfant et adolescent passionné par les arts et les grands espaces et frileux à l’autorité. Il se fait régulièrement renvoyer de ses établissements scolaires.
Etudiant à l’université du Colorado à Boulder puis à l’Academy of Dramatic Arts à New York, il se perfectionne dans la comédie. Un agent de la MCA (Music Corporation of America), entreprise qui produit des émissions de télévision et des disques, le repère durant une représentation théâtrale de fin d’études de La Mouette, de Tchekhov. En 1960, il joue dans plus d’une dizaine de séries télévisées. La révélation se produit en 1965 pour le film Daisy Glover. Il remporte le Golden Globe de révélation masculine de l’année pour son rôle de Lewis Wade. En mauvais garçon attachant, il séduit Daisy (Natalie Wood), enfant-star de quinze ans rêvant de liberté. Natalie Wood, propulsée star après sa performance dans West Side Story (1961), aurait poussé auprès de la production pour que ce soit le presque trentenaire Robert Redford qui lui donne la réplique.
Son premier rôle principal est celui de Paul Bratter dans Pieds nus dans le parc (1967), une comédie romantique avec Jane Fonda, déjà reconnue dans le milieu depuis le début des années 1960.
Sa collaboration mémorable avec Paul Newman dans Butch Kassidy et le Kid (1969) le place durablement dans la cour des grands. Le wonder boy aux cheveux blonds et yeux blonds n’est pas seulement talentueux, il rapporte aussi de l’argent. Il redonne ensuite la réplique à l’acteur de La chatte sur un toit brûlant (1958) dans L’arnaque (1973), retraçant la vengeance de deux escrocs après la mort de leur camarade.
À sept occasions, l’acteur joue dans les films de Sydney Pollack, adepte des thrillers mais qui s’est aussi attelé à la comédie et à la fresque romanesque. Ainsi, Out of Africa (1985), auréolé de sept Oscars, a vu naître le couple mythique de cinéma que le sex-symbol portait avec Meryl Streep. Avec Pollack, Robert Redford oscille entre western américain et polars politiques. Dans Les trois jours du Condor (1975), il revêt sans difficulté le costume d’agent de la CIA pris dans une course contre la montre pour sauver sa peau. Misanthrope vagabond dans Jeremiah Johnson, il insuffle une grande humanité à ce personnage embarqué dans une quête de vengeance après une injustice.
Ses choix soulignent aussi ses convictions, proche du parti démocrate, même si l’acteur préférait se déclarer « neutre ». Ainsi, Les trois jours du condor examinait avec finesse les ressorts d’organisations secrètes capables de réduire à néant les tentatives de dévoilement de la vérité, dans une société profondément corrompue. A l’heure des théories du complot et de la post-vérité, le film reste d’une actualité effrayante. Dans Les hommes du président (1976), Robert Redford et Dustin Hoffman se mettaient dans la peau des deux journalistes qui ont révélé le Watergate, rappelant l’importance du quatrième pouvoir dans un régime démocratique.
En profond désaccord avec la politique de Trump, il défendait aussi une certaine idée des Etats-Unis. Dans Gatsby le magnifique (1974), adaptation très fidèle du roman de Scott Fitzgerald, Robert Redford interprétait avec maestria un nouveau riche confronté à l’impossibilité de concrétiser le rêve américain. Ce fantasme, le réalisateur Jack Clayton le dévoilait magnifiquement par l’atmosphère douce-amère de son œuvre.
L’acteur était aussi très engagé dans l’écologie. Il datait sa prise de conscience à 1989, lors d’une conférence à Denver. Dans Votez McKay (1972), il incarnait d’ailleurs un candidat écologiste et aux engagements sociétaux aux élections sénatoriales. Dans un discours prononcé en 2015 devant l’Assemblée des nations unies, il appelait les dirigeants internationaux à « agir maintenant » contre le changement climatique. Il était aussi membre honoraire de la Green cross international, une ONG environnementale.
En 1981, il passe derrière la caméra, poursuivant sa volonté de diversification et son refus d’être cantonné à une image lisse. Ses premiers pas comme réalisateur sont un succès : il remporte l’Oscar en 1981 de la meilleure réalisation et le Golden Globe pour son adaptation du roman Ordinary people (1976) de Judith Guest. Il est aussi à l’origine de Et au milieu coule une rivière (1992), porté notamment par Brad Pitt, et L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux (1998) avec Kristin Scott Thomas. Son amour des grandes plaines et des forêts transparaît dans ces films, salués par la critique autant que par le public.
1981 est aussi l’année durant laquelle il créé le Sundance Institute, organisation à but non lucratif qui promeut et produit des œuvres cinématographiques indépendantes dans le monde. Créé en 1976 sous le nom Utah/US Film Festival, le festival du film de Sundance, renommé par Robert Redford, s’internationalise en 1981 quand il en devient président. Aujourd’hui, l’événement demeure un des plus importants du cinéma indépendant. Il a aussi fait naître la chaîne Sundance channel en 1996, traitant de sujets musicaux, écologiques, cinématographiques…
À partir des années 2000, il tourne un peu moins. Après l’échec commercial de son film La conspiration (2010) sur l’assassin d’Abraham Lincoln, il se bat pour éviter le naufrage, cette fois-ci littéral, dans un film de survie dont il est le seul acteur.
En 2016, il met fin à sa courte retraite d’acteur dans le film The Discovery, disponible sur Netflix, fable futuriste humaniste et inquiétante sur la vie après la mort. Il y incarne un scientifique qui découvre la preuve irréfutable d’une existence future au travers de mondes parallèles. Deux autres personnages, portés par Rooney Mara et Jason Segel, en font l’expérience et tentent de démêler les nœuds d’une interrogation philosophique et existentielle universelle. Comme une parabole, le film pourrait aussi illustrer les nombreuses vies de Robert Redford, acteur monumental dont les rôles ont forgé, par leur complémentarité, un kaléidoscope de vies vécues.
Robert Redford s’est éloigné de son image de golden boy lisse vers des rôles plus complexes, comme ici dans L’arnaque de Sydney Pollack en 1973. ©UCLA