Le 9 octobre prochain aura lieu la panthéonisation de Robert Badinter, ancien Ministre de la Justice et écrivain connu pour avoir aboli la peine de mort. Une date symbolique puisque le 9 octobre 1981, à l’Assemblée, était votée la loi qui a aboli de la peine de mort, portée par son plus grand défenseur : Robert Badinter.
L’année dernière, le 9 février, Robert Badinter disparaissait, aujourd’hui l’homme d’État rentre au Panthéon.
Celui qui fut Ministre de la Justice, sénateur, avocat, ancien garde des sceaux était aussi un écrivain, amoureux des lettres, que son mariage avec l’écrivaine Elisabeth Badinter symbolisait.
La plume de celui qui fut Ministre de la Justice était très certainement son meilleur atout. En tout et pour tout, Robert Badinter a publié 22 livres. L’ancien sénateur était régulièrement invité aux émissions littéraires, Apostrophes, puis dans sa successeure, La Grande Librairie. Il y exprimait son amour de la littérature qui régnait en maître sur son existence.
Robert Badinter mêlait justice et littérature dans ses livres et essais. L’année précédente, il publiait Théâtre I. Dans ce recueil, l’homme politique publie 3 de ses pièces, parmi les nombreuses qu’il a écrites en secret : Cellule 107, Les briques rouges de Varsovie et C.3.3. Sur la quatrième de couverture, on peut lire : « J’ai toujours aimé le théâtre. […] J’ai écrit en secret des pièces de théâtre. Nombre d’ébauches ont pris le chemin de la corbeille à papier, mais quelques-unes ont échappé à ces excès de dépit amoureux. » Un amoureux des belles-lettres qui se rêvait depuis sa jeunesse en écrivain. L’année suivante, face à leur succès, ces trois pièces seront publiées séparément. Dans Cellule 107, publié en 2022, il imagine un dialogue entre Laval et Bousquet. L’année de parution de Théâtre I, il déclara dans l’émission, La Grande Librairie, « La lecture, elle est inhérente à la vie ». Un écrivain admiratif de l’œuvre et de la philosophie d’Albert Camus qui l’animera tant dans sa carrière d’écrivain que dans son parcours d’homme politique. Badinter comme Camus ont fait élever leurs voix contre la peine de mort. L’auteur de La Peste a façonné la pensée intellectuelle de l’ancien Ministre de la Justice et il n’aura de cesse de le citer tout au long de sa vie.
Robert Badinter était marié à la femme de lettres, philosophe et féministe Elisabeth Badinter, de son de jeune fille Bleustein-Blanchet. En 1988, ils coécrivent Condorcet : Un intellectuel en politique (1743-1794) qui narre l’existence du marquis de Condorcet défenseur des Noirs, des Juifs, des femmes, abolitionniste convaincu et militant, depuis la révolution jusqu’à sa mort. Ce faisant, les époux réparaient l’injustice faite à cet intellectuel du xviii° longtemps mis de côté par l’histoire. Un livre à l’image des combats de Robert Badinter.
Les Epines et les roses, c’est le récit autobiographique à succès que l’ancien garde des sceaux publiait en 2011. Un titre aux sonorités poétiques qui reflète parfaitement le style littéraire et engagé que Badinter a choisi pour ce texte autobiographique.
La politique est intrinsèquement liée aux mots. Les femmes et hommes d’Etat expriment leurs idées à travers des discours qui se doivent d’être éloquents dans le but de convaincre et de transmettre leurs opinions. C’est ce que fit l’ancien Ministre de la Justice, un certain 17 septembre 1981, en faveur de l’abolition de la peine de mort. Un discours resté gravé dans les mémoires qui est souvent désigné comme un chef-d’œuvre de rhétorique et de style. Dans son discours, Robert Badinter cite évidemment son mentor intellectuel, Albert Camus, mais aussi Victor Hugo et le fameux Condorcet.
Sept ans plus tard, son livre Idiss, en hommage à sa grand-mère maternelle, Idiss Rosenberg, immigrée juive de l’Empire Russe, est largement salué par la critique. Le livre sera ensuite adapté en bande dessinée par Richard Malka et Fred Bernard.
En juin 1981, Robert Badinter est nommé Ministre de la Justice, quelques mois plus tard seulement, il réussira à abolir la peine de mort. Tout au long de son existence, Robert Badinter s’est battu contre toutes les formes de racismes, pour que chacun et chacune puisse être considéré.e dans son humanité. À 95 ans, Robert Badinter était encore debout pour s’ériger contre l’extrême et mettait chacun.e en garde face à la montée de cette famille politique. Ainsi, en février 2024, quelques jours avant son décès, il prononçait un discours l’UNESCO intitulé « Sur l’épreuve de l’antisémitisme », dans lequel il dénonçait la résurgence de l’antisémitisme en Europe, souvent alimentée par des courants d’extrême droite.
En 2020, l’ancien garde des sceaux était invité à se prononcer sur la pandémie du COVID-19 ainsi que sur le mouvement Black Lives Matter, dans l’émission Boomrang sur France Inter. Robert Badinter légitimait et défendait le mouvement, alors en plein essor, né après le meurtre raciste de l’américain Georges Floyd. Il déclarait : « Le racisme, est un fléau que l’on bannit officiellement et qui s’exerce néanmoins au quotidien dans la rue, en dépit de tant d’efforts d’éducation, de tant de dispositions législatives ». L’ancien Ministre espérait alors qu’une « philosophie du confinement » allait « éclore ». Dans une métaphore littéraire, ce passionné de théâtre, avançait que ce que nous vivions alors pendant la pandémie n’était « peut-être pas seulement un épisode, mais l’ouverture sur une nouvelle période, comme à l’opéra. Un Nouvel Acte ». Un Nouvel acte que Robert Badinter voulait être un réveil collectif face à des enjeux tels que la justice sociale, la solidarité et la dignité humaine.
L’homme politique qui a multiplié les succès littéraires entre au Panthéon aux côtés de nombreux écrivains, dont ceux qu’il admirait et qui l’ont inspiré : Victor Hugo, Alexandre Dumas… Mais aussi auprès de grandes figures de la justice comme Joséphine Baker ou Simone Veil qu’il respectait profondément. Robert Badinter un homme de lettres et de justice entre le 9 octobre au Panthéon.
Robert Badinter lors d’un forum sur la justice organisé par le Parti socialiste en 2011
Visuel: © Philippe Grangeaud Solfé