Depuis maintenant cinq ans, Courtney Geraghty, directrice du Festiv.iel et du Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon, défend une fête éminemment politique, pensée comme un espace de respiration et de rassemblement pour que chacun.e se sente accueilli.e. « Il est essentiel que le festival ne soit pas pesant : il doit mettre en mouvement », une ligne qui traverse cette cinquième édition, du 13 au 29 novembre 2025.
CG : Enchantée !
CG : Concernant le Festiv.iel, l’importance est avant tout de sentir accueilli.es et bienvenu.es dans un théâtre. Les fêtes sont gratuites, ouvertes aux personnes qui n’auraient peut-être jamais franchi les portes du théâtre. Elles sont reliées aux histoires politiques racontées par les spectacles.
C’est également une manière d’envoyer un signal : si les gens ne viennent pas spontanément dans une salle de théâtre, peut-être qu’une fête peut être une première porte d’entrée. L’objectif n’est pas de convaincre les gens à venir au spectacle, mais de se dire que la prochaine fois qu’iels entendront parler du Théâtre de la Croix-Rousse, cela fera écho à un espace chaleureux, accueillant et collectif.
Par ailleurs, la fête elle-même est politique, notamment lorsqu’elle s’inscrit dans des enjeux féministes et queer. C’est un espace de libre expression des identités, des corps, tout en faisant corps de manière collective ! Elle permet de créer un ensemble joyeux et fort : la joie militante est une réponse au burn-out : la fête devient un espace politique en soi.
CG : Oui, absolument ! Beaucoup de spectacles abordent des thématiques difficiles : violences sexuelles, féminicides, inceste… Ce sont des sujets lourds.
Il est essentiel que le festival ne soit pas pesant : il doit mettre en mouvement. Les spectacles doivent apporter des outils de compréhension, de résilience, d’espérance. Même lorsqu’ils traitent de sujets douloureux, ils vont vers une forme d’ouverture ou de joie. La joie est vraiment essentielle dans ce festival.
CG : C’est une question importante. Le festival porte déjà une attention forte à ces enjeux. Le nom même du festival — inclusif et non-binaire — envoie un signal clair.
Dans la programmation, on veille à inviter des artistes racisé·es : Amandine Gay, le cabaret, La Bouche… On pourrait aller plus loin, mais c’est une vigilance constante.
Nous proposons aussi des tables rondes, comme celle sur la couleur des rôles. Et nous réfléchissons toujours à une approche intersectionnelle dans la construction du festival.
CG : C’est la première année, et c’était une envie forte. J’espère que cela restera au cours des éditions à venir. Il me semble que s’adresser aux générations futures est essentiel !
Les spectacles proposés sont totalement adaptés, comme Scaphandre de Liza Blanchard et Julie Guichard : il raconte l’histoire d’un frère et d’une sœur confrontés à une forme métaphorique d’inceste, le papa est scaphandrier et fait des plongées sous-marine, et ce, de plus en plus fréquemment. Pour les enfants, cela reste une fiction imaginaire, le mot n’est nommé qu’à la fin. Il y a une association également présente pour les échanges avec les enfants, et cela permet de créer un espace pour briser le silence dès le plus jeune âge !
CG : C’est venu de plusieurs endroits. Dans un festival jeune public, j’avais déjà programmé des lectures jeunesse par des drag queens, ce que j’avais trouvé formidable.
Une petite fille, lors d’une édition passée, avait brandi une banderole féministe qu’elle avait fabriquée elle-même : cela m’a marquée. Et puis j’ai découvert ce spectacle il y a deux ans : tout s’est aligné pour cette édition.
CG : Alors déjà nous pouvons conseiller Les Histrionniques du collectif #MeTooTheatre, qui aborde la prise de conscience d’un phénomène, raconte par les militantes elles-mêmes. C’est choc et joyeux à la fois.
Il y a également Annette de Clementine Collin, un énorme coup de cœur. C’est l’histoire d’une femme de 70 ans extraordinaire, qui refuse d’être enfermée par les carcans de la société.
Nous pouvons parler de Julie Bouchard, Les Souterraines, présente un spectacle sur la pollution des sols qui se transforme en une bataille politique.
Bien évidemment, Sara Forever et sa performance qui s’inscrit totalement dans la lignée du Festiv.iel. Et pour le jeune public, Norman c’est comme normal, à une lettre près de Clément Thirion : l’histoire d’un garçon qui veut porter une jupe. Un spectacle très important dans un contexte où ce simple geste devient polémique.
CG : Merci à vous !