Refik Anadol au Musée Guggenheim de Bilbao : Quand l’IA et l’humain célèbrent Gehry et la nature

Quand l’architecture déploie son futur, main dans la main avec la technologie

C’est sous l’œil de douzaines de caméras, qui sont arrimées au plafond et surveillent les séquences qui se suivent, mais ne se ressemblent pas, que l’œuvre à 360 degrés de Refik Anadol se déploie. Les nappes phréatiques et des trombes de couleurs suivent des effusions géométriques qui mènent, elles-mêmes, vers un jeu de cartes de grandes architectures réelles qui elles-mêmes tournoient et se transforment pour donner lieu à un LAM (Large Architecture Model) puis à des rêves de formes habitables pour un futur dont nous sommes déjà nostalgiques. Baignée dans la musique de Kerim Karaoglu, qui a lui-même transformé les données du musée en harmonies, et malgré la difficulté d’une projection sur les murs aux arêtes abruptes de la salle 204, l’expérience est d’une sensualité inédite pour des accords qui suivent des probabilités. C’est dû avant tout à l’usage de la couleur, digne des pigments d’un grand peintre et aussi du rêve éveillé auquel les artistes et les équipes de son studio – longuement et souvent remerciées lors de la conférence de presse – nous invitent.

Par-delà l’artificiel : une opportunité de renouer avec la nature

Pour Refik Anadol, l’IA n’est pas qu’un moyen, c’est quelque chose qui est en train de transformer le monde en permettant par le calcul d’atteindre une certaine vérité ou même un au-delà de la réalité qu’il appelle « réalité générative ». C’est un difficile travail de collection de données qui a pris 8 mois, mais qui est né, il y a 11 ans, de la rencontre avec Frank Gehry et d’un travail de sélection de ses œuvres à projeter sur le Los Angeles Symphonic Center. L’IA pour Refik et dans l’expérience qu’il nous en offre n’est pas non plus un fétiche. En transformant l’information en harmonie pour « trouver de l’humain dans ce qui ne l’est pas », son utilisation de l’IA invite à pouvoir réellement prédire le futur, en le rêvant, avec la sensibilité unique que partagent les artistes.

Les équipes du plasticien fustigent la paresse. Elles ont travaillé très dur pour mettre au point une IA qui fait que cette installation n’est pas plus coûteuse en énergie que trois téléphones portables, chargés quotidiennement pendant un an. Et, sans rien vouloir cacher des logs et des hallucinations des machines, en s’appuyant sur leur formidable capacité de calcul, Anadol, qui venait de passer deux semaines déconnecté du monde dans la forêt amazonienne lors du vernissage, espère que nous pourrons pleinement renouer avec la nature et comprendre son langage. Un art plein de sens et de sensualité, porté par un plasticien en quête et dans l’enthousiasme des bouleversements que nous traversons. Faire l’expérience de son hommage à Gehry est une manière de se relier à la concordance des temps et d’aller au-delà des clichés que nous partageons sur les IA et la menace qu’on imagine peser sur la faculté humaine de créer.