Célébrer la « Joie Collective » et sous-titrer une saison « Apprendre à flamboyer ». C’est une posture assez rare pour être soulignée et, évidemment, étant donné les circonstances, particulièrement paradoxale. Mais les choix d’artistes et les scénographies du Palais de Tokyo permettent de relever le défi. En donnant du sens et, en s’engageant, le collectif crée aussi de la joie.
« La Joie Collective non pas comme déni ou parenthèse enchantée, non pas comme suspension de la lucidité mais comme une résistance consciente, active, à l’ordre dépressif du monde » écrit Guillaume Désange, le Président du Palais de Tokyo dans le magazine-manifeste qui explique une saison d’exploration sous ce fanion. Au niveau zéro, la commissaire Amandine Nanaa a réuni des artistes professeur.e.s de joie et de flamboyance du monde entier, dont plusieurs se mettent à hauteur d’enfant. Et les deux artistes, exposés au niveau -1, résonnent fort avec cette ode au collectif qui lutte dans et pour la joie.
Du haut des escaliers, on ne voit qu’elle, la tapisserie immense que Raphaël Barontini a dédié à la cour d’Henri Christophe (2022). Elle ouvre un espace sur deux niveaux et qui prend pour titre un vers d’Aimé Césaire dans la Tragédie du roi Christophe : « Quelque part dans la nuit, le peuple danse ». Elle créolise aussi Vélasquez et Van Eyck dans une explosion de couleurs et une déflagrations de clichés qui mutent. D’un côté, on entre dans le fameux Palais San Souci et on s’avance jusqu’à la salle du trône comme dans une galeries de collages qui nous regardent tous. Interrogeant l’Histoire et utilisant drapeaux, bannières, tapisseries et capes cérémoniales, avec une esthétique et un sens de la mise en scène unique, celui qui a proposé la performance, Déboulé Celestre, au coeur de la dernière Nuit Blanche a enfin une exposition parisienne d’envergure qui s’intègre parfaitement dans la thématique du printemps.
Face à lui, c’est dans un tout autre univers que s’inscrit l’exposition « Alphabeta Sigma » avec un somme immense d’œuvres du street-artist Rammellzee (1960-2010). Et c’est la première grande rétrospective de l’artiste new-yorkais en France. Elle a lieu en deux temps entre Paris (2025) et Bordeaux (2026, au CAPC). C’est une immersion explosive dans son univers « wild » entre l’énergie du subway new-yorkais et labyrinthe dans une galeries de sculptures fluos où le visiteur joue les Pac-Mans. Avec, subtil paradoxe pour un artiste urbain, une installation psychédélique folle sur de la… moquette ultraviolette ! Les minorités et le gothique sont à l’honneur, et une frise géniale fait durer l’action de l’artiste jusqu’à l’ère Trump/Musk, une invitation très politique à la joie, qui célèbre les ressources infinies de l’underground et lui prête voix. L’exposition se complète d’une œuvre musicale « Gangsta Duck » et le compagnon de route de Rammellzee , Futura 2000 s’invite dans la friche avec des créations in situ.
Cette saison de printemps offre une scénographie bluffante pour une expo qui prouve que si elle est partagée, la joie fait sens ! Les expositions se mettront d’ailleurs en mouvement du 3 au 13 avril avec la festival Plan D, en programmation commune avec le Centre National de la Danse et où Raphaël Barontini fera une performance.
«Joie Collective – Apprendre à Flamboyer !», jusqu’au 11.05.2025.