Mardi 2 septembre, depuis l’Opéra Bastille, en présence du directeur général de l’Opéra national de Paris Alexander Neef, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a présenté « Nouvelle Ère, Nouvel Air », un projet de rénovation de l’Opéra national de Paris, mené sur l’ensemble de ses quatre sites : le Palais Garnier, l’Opéra Bastille, les Ateliers Berthier à Paris et l’École de Danse située à Nanterre.
Par Paul Fourier et Philippe Manoli
Le communiqué du ministère indique que « ce grand projet pour l’Opéra national de Paris marque une nouvelle fois une ambition nationale et internationale à mener des investissements majeurs pour les générations futures. »
Un certain nombre de précisions sont apportées sur les travaux à venir et l’échéancier. Ainsi, « l’Opéra Bastille bénéficiera de la rénovation de ses équipements scéniques – machinerie, son, lumière, vidéo – ainsi que de la réhabilitation de ses studios de répétition. Une fermeture temporaire de la scène est prévue pendant deux saisons à l’horizon 2030. »
Quant au « Palais Garnier, (il) verra la poursuite de la restauration de ses façades ainsi que la modernisation de sa cage de scène. La scène sera fermée entre l’été 2027 et l’été 2029, et l’accès aux espaces de visite restera ouvert pendant toute la durée des travaux. »
Il est précisé que « durant toute la période des travaux, l’Opéra national de Paris continuera à présenter des opéras, ballets et concerts grâce à l’alternance d’ouverture entre les deux théâtres et une programmation hors-les-murs » et que « Pour la première fois, les 4600 m² d’espaces publics de l’Opéra Bastille seront accessibles gratuitement en journée dès 2030. ». Cette dernière annonce accompagnée de la précision que « de nouveaux espaces de convivialité et de restauration viendront enrichir l’expérience du spectateur pour faire de l’Opéra Bastille un véritable lieu de vie » interroge forcément sur la finalité de cette ouverture sur l’extérieur et demande précisions.
Enfin, l’École de Danse à Nanterre et les Ateliers Berthier feront également l’objet de travaux de rénovation (toitures ; accessibilité ; espaces logistiques et de répétition).
Pour l’ensemble de ces chantiers, un concours international d’architecture sera lancé cet automne.
Ces annonces appellent cependant plusieurs remarques ; déjà sur la pérennité des engagements d’une ministre qui ne pourrait plus l’être dans 5 jours. Et l’on n’ose imaginer que cela s’inscrive dans le cadre… d’une campagne électorale municipale à venir.
Par ailleurs, il est indiqué que ces travaux visent à « accélérer la transition écologique » de l’Opéra de Paris, une transition écologique qui est bien malmenée, d’une manière générale, par la politique gouvernementale. On note qu’il existe ainsi « des objectifs en matière de performance énergétique, de sobriété et de respect des ressources et que « des dispositifs de végétalisation seront installés, les abords repensés, les consommations énergétiques optimisées, et des panneaux photovoltaïques seront mis en place sur les toitures et verrières rénovées de l’Opéra Bastille. » Reste à savoir ce que recouvre ce vocabulaire pour le moins nébuleux.
On peut également se demander si le chantier sera l’occasion de sortir de l’ambiguïté concernant l’acoustique de la grande salle de l’Opéra Bastille qui n’a jamais été pleinement satisfaisante en raison de ses dimensions ; d’autant que notre petit doigt nous dit que la salle a déjà été enrichie d’une amplification sonore de la part de la société Fohhn (qui s’en targue sur son site alors que l’Opéra national de Paris n’a jamais officialisé son existence).
Sur le financement de ces lourds projets, il est précisé, dans le communiqué de presse, qu’ils seront largement financés par les ressources propres de l’Opéra de Paris et l’engagement des mécènes. Comme l’on croit savoir que les ressources de l’Opéra ne sont guère extensibles, la question se pose de savoir si cela se fera au détriment de la création artistique.
Par ailleurs, le recours aux mécènes français et internationaux (dont d’ores et déjà Chanel et BNP Paribas) interroge aussi sur la transformation progressive de l’institution lyrique parisienne vers un schéma à l’anglo-saxonne (type Royal Opera Ballet londonien ou Metropolitan Opera New Yorkais), des risques que cela fait courir quant à la dépendance d’acteurs économiques et à leurs possibles désengagements en cas de crise économique. Comme on le constate dans ces maisons, la recherche de rentabilité à tout prix risque de se faire en privilégiant des titres populaires, mais rabâchés, au détriment de nouveaux répertoires qu’il serait utile que l’Opéra national de Paris mette ou remette à l’honneur.
Enfin, plus largement, au-delà des nécessaires transformations de la scène lyrique parisienne (et des chantiers prestigieux tels que Notre-Dame de Paris et le Louvre), la question se pose des moyens alloués, d’une manière générale dans l’ensemble des régions et de leur pérennité ; notamment alors que certaines collectivités réduisent les budgets à néant (dont celle de Mme Morançais, présidente du conseil régional des Pays de la Loire et vice-présidente d’un parti, Horizons, qui fait partie de la coalition gouvernementale actuelle).
Il n’est pas inutile de souligner que les restrictions budgétaires couplées à l’augmentation importante des coûts de l’énergie mettent à mal beaucoup d’institutions en régions qui, d’ores et déjà, présentent des saisons aux ambitions très réduites. L’Opéra de Metz ne présentera que deux véritables productions d’opéra en 2025-26, les productions de celui d’Avignon ne sont désormais plus jouées que sur deux dates seulement, et l’Opéra de Bordeaux montre aussi, pour sa part, d’inquiétants signes de faiblesses. La situation est d’autant plus préoccupante que, dans une période restreinte, de très nombreuses maisons françaises vont devoir fermer pour de longues périodes de travaux : c’est actuellement le cas pour Toulon et Metz ; suivront Tours, Marseille, Strasbourg, et un peu plus tard Nice et Bordeaux.
Finalement, si les spectateurs parisiens friands de lyrique peuvent probablement se satisfaire de ces annonces concernant l’Opéra national de Paris, il n’en reste donc pas moins que c’est donc bien d’une vision d’ensemble de la Culture que les citoyens français ont besoin, eux qui sont très attachés à l’accès à la culture partout et à sa pérennité.