Le 11 juin, Rachida Dati a annoncé le lancement de la France Music Week, une semaine entière consacrée à la musique, qui se culminera avec un grand concert dans les jardins du Louvre le soir de la fête de la musique, le 21 juin. Cet évènement prévu du 16 juin au 21 juin, soulève cependant plusieurs questions. Que cache réellement cette déclaration ?
Dans une interview faite au journal Figaro, Rachida Dati a affirmé que « que la France peut devenir le premier pays producteur de musique ». Cette ambition s’incarne dans la création de la France Music Week, une semaine d’évènements musicaux dans tout le pays. Mais est-ce vraiment nécessaire ? Parmi tous les secteurs culturels en France, la musique est-elle celui qui a le plus besoin de ce type d’initiative ?
L’Hexagone compte déjà plus d’une trentaine de festivals estivaux dédiés à la musique. Il est l’un des pays au monde qui organise le plus de festivals. De nombreux et nombreuses artistes français.es rayonnent à l’international comme Aya Nakamura ou Yseult qui ont toutes les deux étaient les artistes féminines les plus écoutées dans le monde en 2024. Elles illustrent le dynamisme de la scène musicale française.
Rachida Dati avec ce projet semble détourner l’attention des problèmes plus profonds qui touchent le monde culturel tel que le manque de financements avec la baisse du budget du ministère de la Culture passant de 1 % de dépenses de l’État à 0,6 %. Sans parler de la précarité croissante des intermittent·es du spectacle et des difficultés d’accès aux droits sociaux. Les conditions d’ouverture des droits sont plus dures pour les intermittent·es que pour les intérimaires, on parle de 508 heures en 319 jours contre 610 heures en 810 jours pour le régime général. Autant de sujets qui mériteraient des annonces plus concrètes.
Depuis sa création en 1982 par Jack Lang, la Fête de la musique s’est imposée comme un moment populaire, festif et ouvert. Doit-on pour autant l’étendre à une semaine entière ?
La visibilité donnée aux artistes émergent·es et la gratuité des concerts sont évidemment bienvenus. Un concert national, emblématique, peut être un moment fédérateur. Rachida Dati affirme vouloir rendre toutes les musiques accessibles au plus grand nombre, avec une idée de partage et d’universalité.
Mais c’est justement le charme spontané et un peu désorganisé de la Fête de la musique qui séduit. Flâner au hasard dans les rues, découvrir un groupe inconnu au détour d’un carrefour, s’arrêter pour écouter un solo de guitare… Faut-il vraiment cadrer, organiser, institutionnaliser un moment dont la beauté réside dans l’improvisation ? La France Music Week ne serait-elle qu’un nouvel outil de communication politique ?
Autre curiosité : baptiser un événement français d’un nom en anglais. La France Music Week sonne comme une vitrine à destination de l’étranger, et fait écho aux tentatives récentes du gouvernement de soigner l’image de la France sur la scène internationale, à l’instar des JO 2024.
Il faut dire que la Fête de la musique, au fil des années, a acquis une véritable aura internationale. Sur TikTok, des vidéos montrant l’ambiance électrique dans les rues de Paris ou de Lyon ont largement circulé, notamment celles de l’édition 2024. Ce sont désormais nos voisin·es anglais·es, allemand·es ou néerlandais·es qui annoncent leur venue en France, attiré·es par ces images de foule en liesse et de concerts spontanés en pleine rue.
La ministre de la Culture aurait-elle senti cette vague d’intérêt populaire et international ? Avec la France Music Week, elle semble vouloir capitaliser sur cette viralité. Mais s’agit-il d’un projet pensé pour enrichir la scène musicale française… ou simplement surfer sur une tendance bien relayée par les réseaux ?
On se souvient qu’après ces Jeux, Emmanuel Macron avait proposé une journée nationale du sport. Ce type d’annonce s’inscrit souvent dans une logique de surface : s’emparer d’un sujet populaire pour redorer son image, sans forcément aller au bout des choses.
Ces initiatives partent parfois d’une intention louable, mais finissent souvent par des effets d’annonce, sans réel suivi. Alors, la France Music Week : levier culturel ambitieux ou simple opération de communication ?
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