108 milliards de dollars. C’est le montant de l’OPA formulée par Paramount Skydance pour le rachat de Warner Bros. Discovery, un rebondissement qui met Hollywood sens dessus dessous. Une bataille s’est engagée à coups de milliards avec Netflix, où politique et ambitions viennent complexifier le jeu. L’avenir du septième art en pleine tourmente.
La saga Warner Bros. Discovery a pris une autre dimension. Étranglé par sa dette, le géant américain avait lancé un processus de vente en novembre 2025. Netflix a alors frappé en premier : 82,7 milliards de dollars pour les licences, les studios et la plateforme HBO Max. Alors que le scénario semblait déjà écrit, Paramount Skydance a surenchéri avec une OPA de 108 milliards de dollars, incluant cette fois les chaînes de télévision, CNN comprise. Un sursaut que l’on doit à de multiples facteurs. De fait, derrière ces chiffres se cachent des intérêts économiques et politiques. Proche de la famille Ellison, Donald Trump se range naturellement du côté de Paramount, l’occasion rêvée de régler ses comptes avec CNN, qu’il ne porte pas vraiment dans son cœur. Et c’est le moins qu’on puisse dire. Si l’on ajoute à cela l’intérêt grandissant des pays du Golfe pour l’audiovisuel, on comprend l’ampleur de l’affaire. En outre, au cœur de cette bataille, se joue aussi l’avenir de la culture cinématographique.
Harry Potter, DC, Game of Thrones, Dune… Si Netflix l’emporte, c’est tout l’univers Warner qui bascule sous la coupe d’un géant qui privilégie l’optimisation et le streaming. Une perspective qui ne plaît pas au monde du cinéma bien entendu. Ça, David Elisson, dirigeant de Paramount, l’a bien compris. C’est pourquoi il promet de « satisfaire les besoins du public cinéphile », avec plus de 30 sorties salles par an. Un engagement qui tranche avec la stratégie de son opposant et qui s’appuie sur un modèle médiatique plus traditionnel : celui des projections et des chaînes télé. Mais la fracture ne s’arrête pas là, compte tenu que Ted Sarandos, co-PDG de Netflix, avait financé la campagne de Kamala Harris, ce qui, bien sûr, n’a pas échappé à Donald Trump. Dans ce contexte, si Paramount l’emporte, ses liens étroits avec l’administration actuelle feraient basculer CNN et Warner dans une toute autre sphère d’influence politique.
Les exploitants de cinémas sont aux aguets, et c’est peu dire tant le sort des salles cristallise les angoisses. Certes, Netflix a « assuré » de poursuivre les sorties sur grand écran, mais, cette promesse a suscité un certain… scepticisme. Et à juste titre. Surtout après les déclarations de Ted Sarandos, pour qui réaliser un film « pour l’expérience communautaire » est une « idée dépassée » pour « la plupart des gens ». Déjà fragilisé par le Covid et la grève de 2023, le 7ème art craint alors un basculement où le volet projection en salle deviendrait marginal, négocié au cas par cas, voire sacrifié. Une autre menace pointe le bout de son nez, à savoir l’utilisation accrue de l’intelligence artificielle pour augmenter la productivité. Un horizon inquiétant les 160 000 travailleurs d’Hollywood. À ce sujet, la Writers Guild of America ne s’y est pas trompée : la fusion « doit être bloquée », car elle « éliminerait des emplois, ferait baisser les salaires, réduirait le volume et la diversité du contenu ». Dans un autre registre, James Cameron ne mâche pas ses mots et parle d’un « désastre ». Quant à Jane Fonda, elle va plus loin encore, qualifiant la situation de « crise constitutionnelle », et même « d’accord commercial catastrophique qui pourrait détruire l’industrie créative ». Face à l’inquiétude, le monde du cinéma est vent debout et l’histoire est loin d’être finie. To be continued…
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