Quinzaine des Cinéastes : « Une Langue Universelle » de Matthew Rankin, un doux mélange Irano-Québéco-Winnipegois

par La redaction
21.05.2024

La comédie étant souvent le parent pauvre de la sélection Cannoise, sommes ravis d’avoir vu « Une Langue Universelle » de Matthew Rankin.

Par Anne-Christine Caro.

Absurde et surréalisme comme les maîtres-mots

Employé du gouvernement québecois, le narrateur quitte son poste et part rendre visite à sa mère malade à Winnipeg. Sur le papier, le pitch ne présage pas d’un film à l’humour ravageur et pourtant… dans ce monde imaginaire et déjanté aux confins du Canada, tout le monde parle iranien. Un maître d’école rocker interroge les enfants sur leurs rêves d’adultes, un guide touristique fait visiter des lieux de la plus grande banalité, d’autres cherchent à récupérer un billet pris dans la glace tandis qu’on vous sert du thé à la fabrique de kleenex. Les scénaristes Matthew Rankin, Pirouz Nemati et Ila Firouzabadi nous baladent de scènes en scènes, avec toujours plus d’imprévisible.

Entre cinéma et performance : l’esthétique au cœur du récit

En effet, l’esthétique est ici magistrale : de superbes plans fixes à la composition minutieuse, qui théâtralisent aussi bien l’espace que les personnages. Ce Winnipeg imaginé au cœur de l’hiver canadien, avec ses quartiers beige, gris et brun, devient ainsi un protagoniste du récit à part entière.

On est souvent à la limite entre le cinéma et la performance, en particulier dans les choix de montage, avec des champs/contrechamp qui rompent volontairement avec les codes habituels.

Tourné en farsi et en français, « Une langue universelle » parle avant tout de connexion humaine, de solidarité et de famille au sens le plus large du terme. Pour expliquer cet étonnant métissage Irano-Québéco-Winnipegois, Matthew Rankin parle « pizza Hawaïenne », mais aussi « d’hallucination autobiographique », car de nombreuses scènes sont inspirées de sa vie comme cet enfant de huit ans qui se déguise en Groucho Marx pour aller à l’école !

« Une langue universelle » est le deuxième long métrage de Matthew Rankin à qui l’on doit aussi « Le Vingtième Siècle », premier long métrage pour lequel il a reçu le prix FIPRESCI en 2020 à la Berlinale.

Si l’on salue l’imaginaire foisonnant qui nourrit ce film, un bémol cependant, souvent corollaire à ce type de narration : à trop privilégier les rebondissements inattendus et la forme esthétique, l’émotion se perd parfois et l’on peine à s’attacher à ces personnages, même s’ils sont finement interprétés.

Dans la salle, la complicité de l’équipe est quant à elle bien palpable et la bonne humeur contagieuse. On sent le plaisir qu’il y a eu à faire ce film, cette prise de décision collégiale, cette écriture à plusieurs mains qui font toute la richesse d’ « Une Langue Universelle ».

Comme toujours à Cannes, le spectacle est autant dans la salle que sur l’écran. On profite du film dans une ambiance bon enfant où rires et applaudissements saluent l’arrivée des nouveaux personnages. Quand la lumière se rallume, les embrassades sont joyeuses et l’on perçoit l’ « universalité » de cette création.

« Une Langue Universelle » de Matthew Rankin, avec Rojina Esmaeili, Saba Vahedyousefi, Sobhan Javadi, Pirouz Nemati, Matthew Rankin, Canada, 89 minutes. En compétition à la Quinzaine des cinéastes.

Cannes, consultez notre dossier.

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