Pour ses 92 ans, le plus prestigieux des prix de la presse francophone a honoré à Beyrouth le 25 octobre le regard humain et précis des chroniques judiciaires de Julie Brafman pour son prix de la presse écrite. Pour ses prix du livre, de l’audiovisuel et d’honneur, le jury présidé par l’ancien président de France TV Info Hervé Brusini a récompensé des productions toujours en quête de vérité, dans un monde où la désinformation prend de plus en plus de place.
L’habituée de la sélection Julie Brafman a finalement été primée samedi pour le 87e prix de la presse écrite. Si, le reconnaît le comité du prestigieux prix, la chronique judiciaire a rarement été célébrée, il salue toutefois « la force de l’écriture de cette grande reporter des prétoires, la précision poétique de ses récits, la profondeur de son analyse, son empathie intelligente nous font pénétrer l’univers des procès ».
« Je raconte des vies en bas de chez moi qui peuvent pourtant sembler bien lointaines », explique-t-elle dans un entretien à Libération où elle travaille. Elle se félicite que ce genre soit honoré. En notant les « mots des uns et des autres, leurs mensonges et leurs vérités », elle tente de toucher l’essence d’une cour d’assises, « royaume des larmes et des corps qui tremblent. […] De l’intime conviction et des tréfonds de l’âme ». Parmi ses chroniques les plus médiatisées, celles sur le pédocriminel Joël le Scouarnec fait partie des plus emblématiques, même si la journaliste qui a suivi d’autres affaires plus confidentielles l’affirme, « la justice n’a rien de hors norme. Elle est ordinaire ».
Le rédacteur en chef du collectif d’investigation Forbidden stories Jules Giraudat et le documentariste Arthur Bouvart ont reçu le 41e prix de l’audiovisuel pour leur film « Le Syndrome de La Havane ». Le jury s’est émerveillé devant ce « thriller géopolitique haletant » qui tente d’éclaircir l’étrange épidémie de maux de tête intenses, d’acouphènes, ou de troubles de l’équilibre dont sont victimes des diplomates et espions du monde entier.
En décernant le 9e Prix du livre à Elena Volochine pour Propagande : l’arme de guerre de Vladimir Poutine, le jury met en avant les dangers de la désinformation et le glissement toujours plus dangereux vers la post-vérité. L’autrice s’y intéresse à la Russie du chef d’Etat et à la façon dont il a forgé dès son élection une « réalité parallèle », renforcée au lendemain du déclenchement de la guerre contre l’Ukraine. Cette récompense traduit une fois de plus la volonté d’enseigner et d’informer grâce à un « manuel rigoureux pointilleux ».
Ce refus d’effacement semble aussi se sentir dans le choix de journalistes gazaouis pour le prix d’honneur. Fin août, l’ONU comptabilisait à 247, a minima, le nombre de journalistes tué·es à Gaza. Malgré le cessez-le-feu du 12 octobre 2025, d’autres journalistes ont été tué·es comme le vidéaste Saleh al-Jafarawi le 13 octobre. « Le conflit israélo-palestinien a tué plus de journalistes que les deux guerres mondiales du XXe siècle », justifie le comité. « Le Prix Albert Londres demande que le récent cessez-le-feu soit également appliqué à la presse gazaouie, et que les autres médias puissent enfin entrer à Gaza », ajoute-t-il, fidèle à son attachement pour une presse libre, indépendante et protégée.
©Benjamin Géminel – Agence Hans Lucas et Laura Stevens