Courte conférence donnée à la Rencontre diocésaine de Würzburg en 2022, ce texte donne à comprendre les grandes lignes de la pensée d’Hartmut Rosa, mais survole un peu son sujet.
Hartmut Rosa, que l’on connaît pour ses ouvrages Accélération (2013), Aliénation et accélération (2012) ou encore Résonance (2018), se présente comme un « philosophe topographe de la mauvaise pente ». Invité à la Rencontre diocésaine de Würzburg en 2022, le philosophe se retrouve à plancher sur le thème de l’année : « donne-moi un cœur qui écoute ». Mais la question du sensible est malheureusement de moins en moins présente dans nos sociétés actuelles, nous qui sommes en train de nous fermer à notre humanité la plus profonde (surconsommation, surproduction…). Dans une société en perpétuelle accélération, avons-nous besoin d’une institution comme l’Eglise ?
Avant de répondre à sa problématique, Hartmut Rosa choisit de faire un long détour. Selon lui, notre société se définit comme moderne car « elle ne peut se stabiliser que de façon dynamique, c’est-à-dire qu’elle dépend de faon systémique, structurelle, d’une croissance permanente pour se reproduire et atteindre le statu quo institutionnel ». Le problème réside justement dans cette volonté de croître de manière infinie, « dans un système où sans cesse nous devons aller plus vite ». Ce rush permanent n’est pas sans conséquences pour notre santé psychique et émotionnelle (multiplication du nombre de burn-outs notamment). Le constat est dur, mais il est juste : « Le sentiment de ne pas être à la hauteur, d’être insatisfait envers soi-même ou de devoir être tout autrement ne cesse d’augmenter. Nous ne sommes plus convaincus d’aller vers la vie bonne grâce à la croissance, d’aller vers un rapport épanoui au monde ».
Ainsi, pour s’épanouir au monde, Hartmut Rosa introduit le concept phare de sa philosophie, celui de « résonance ». Il convient de s’arrêter, de prendre le temps, et d’écouter le monde qui nous entoure (Rosa reprend le concept de « nativité » d’Hannah Arendt). Afin de retrouver du sens à nos vies, il faut créer les conditions de la résonance, d’autant plus que celle-ci n’arrive pas facilement, dans une société où la concurrence fait rage. Hartmut Rosa arrive alors enfin au thème de la conférence : selon lui, la religion propose un « espace social et matériel adéquat » pour entrer en résonance entre la réalité, le cosmos et notre intériorité. Le philosophe se moque de savoir si Dieu existe ou non, mais s’intéresse seulement aux rites de la religion, et à la conception d’esprit à laquelle elle nous dispose. Une conférence intéressante car elle résume de façon claire la pensée d’Hartmut Rosa, mais une conférence qui se penche finalement peu sur la religion elle-même.
Pourquoi la démocratie a besoin de la religion, Hartmut ROSA, Editions La Découverte, 80 pages, 15 euros
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