Jusqu’au 23 octobre 2023, 154 galeries de 33 pays donnent rendez-vous à Paris aux collectionneurs du monde entier. Le Grand Palais éphémère est augmenté jusqu’à la moitié du Champ de mars pour l’occasion. Cult.news est allé sillonner ses galeries, qui ressemblent désormais à s’y méprendre à celle du Grand Palais original.
C’est sous une pluie battante qu’une partie du public VIP a découvert l’édition 2023 de Paris + hier après-midi. Pas de thématique, si ce n’est celle de montrer combien Paris rayonne dans le monde entier (la France est le quatrième marché dans le monde, le deuxième en Europe) et un effort pour que 15 nouvelles galeries (venues du Brésil, du Mexique ou du Liban…) puissent exposer. Et aussi un mot d’ordre donné de resserrer les artistes présentés, soit sous forme de solo show ou de « group show » restreint. Une manière de proposer aux galeries de se faire commissaires et non plus d’être uniquement un catalogue vivant des artistes qu’elles représentent. L’impression générale est studieuse, avec une jolie énergie dans de sombres temps. On pense au titre que donne Daniel Buren à ses vitraux enveloppants de couleurs exposés dans le cadre du programme public de Paris + au Conseil économique et social et qui définit bien l’impression que laisse la foire : « Allegro, ma non troppo – travail in situ 2023 ».
C’est seulement la deuxième édition de Art Basel à Paris, mais on a l’impression que Art Basel a toujours été là. Peut-être parce que son directeur, Clément Delépine, a toujours œuvré pendant cette fameuse semaine d’art à Paris. Peut-être aussi parce que le Grand Palais éphémère a redoublé de tapis et de lumières douces sous sa verrière, au point de nous faire oublier que nous étions Rive Gauche. Ce n’est qu’après avoir parcouru les deux premiers rangs de galeries que nous avons réalisé, face à la Tour Eiffel, que ce n’était pas le Grand Palais original. Côté scénographie, donc, c’est sobre, avec des galeries « nichées » (on les traverse rarement, on s’y engouffre), des murs blancs qui mettent en avant des œuvres plutôt en deux dimensions, figuratives et colorées. Et, pour la signalétique, le minimalisme est aussi de mise : QR codes hasardeux (ça ne marche pas et on n’a plus de batterie en raison de pénuries de prises) pour certaines galeries qui ne présentent que les œuvres. Ou chic, extrême : cartels rédigés au crayon à papier et à la main à même les murs du stand. La galerie Air de Paris (qui affiche fièrement sa localisation à « Romainville-Grand Paris ») a tout compris. Alors que sa cofondatrice, Florence Bonnefous, fait partie du comité de sélection de Paris +, la scénographie est juste parfaite : grande œuvre de « workout » de Gaëlle Choisie, vert marquant et cartels dessinés au papier à crayon.
Les accents mis sur le travail d’un artiste ont été démultipliés cette année à Paris +. Habitué du solo show, Applicat-Prazan dédie une exposition digne d’un musée à Jean Hélion. L’antillais Elladj Lincy Deloumeaux nous fait entrer en personne dans son univers à la Galerie Cécile Fakhoury, la Galerie Zlotowski met en exergue Jean Gorin sur fond jaune moutarde et la Galerie Pace propose à ses artistes de varier autour de deux toiles iconiques de Mark Rothko (exposé en ce moment à la Fondation Louis Vuitton). Les « bunnies » de Sarah Lucas et leur voiture jaune prennent quasiment toute la place à la galerie Sadie Cole. Les galeries qui proposent un programme public (quel nom bien plus joli que « hors les murs » !) mettent de fait des solo shows ou des duos en avant. Nous avons parlé plus haut du duo des Titans entre l’infini de Michelangelo Pistoletto et les couleurs in situ de Pierre Buren au Conseil économique et social de la Galeria Continua. On peut aussi mentionner Urs Fischer et sa nouvelle « vague » place Vendôme avec Gagosian, deux œuvres de Jessica Warboy à la Chapelle des Petits-Augustins des Beaux-Arts de Paris avec la galerie Gaudel de Stampa ou encore l’œuvre tactile de Sheil Hicks, sur l’historique parvis de l’Institut de France, avec la Galerie Frank Elbaz. Enfin, Joël Andrianomearisoa a eu une carte blanche de la Foire. Également présent dans l’évènement Public « Les Fleurs du mal » chez Guerlain sur les Champs-Élysées, l’artiste malgache a proposé une grande structure en fer forgée qui propose « Un autre monde ».
Paris + nous précise (et c’est bien !) que deux des galeries émergentes de l’an dernier ont rejoint le secteur principal cette année. 14 galeries émergentes ont été choisies cette année et mises à l’honneur dans l’espace qui va de la nef du Grand Palais éphémère à ses extensions dans le Champ de Mars. Là encore, le solo show est à l’honneur et nous avons particulièrement apprécié de découvrir le travail sur des archives de Mohamad Abdouni chez Marfa Projects et les sculptures délicates de Simphive Buthelezi à la Galerie Smac.
On apprend beaucoup à parcourir ce Paris + et à découvrir des artistes à travers plusieurs œuvres et des grands coups de projecteur. Restent bien sûr l’effet « grand collectionneur » et des Josef Albers, Christophe Boltanski ou Basquiat mêlés avec d’autres stars et qu’on emporterait bien chez soi… Mais l’effort du solo show paie : on quitte l’univers du catalogue pour entrer véritablement dans un commissariat des galeries en pleine foire.
Visuels (c) YH