Dans un Ukraine marqué par un système patriarcal étouffant, Oxana et ses amies, luttent pour les droits et la liberté des femmes. Le mouvement Femen prend racine dans cet environnement oppressif, porté par la force d’une jeunesse déterminée à bousculer les normes. A travers le portrait d’Oxana, Charlène Favier livre le récit frénétique et séditieux de cette lutte, où la rébellion prend une forme radicale.
A l’instar de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, la dernière journée d’Oxana se profile comme une fatalité. Ce 23 juillet 2018, dès le début du long-métrage, semble inéluctable. La journée avance tel un compte-à-rebours, rythmée par les échos du passé de l’héroïne. Dans un subtil jeu de va-et-vient entre les âges de la vie, le film entraîne au cœur de l’adolescence et de la transition à l’âge adulte de cette militante.
Le film s’ouvre sur des plans saccadés, une cérémonie religieuse orthodoxe, un feu de joie, des braises en plein vol et des jeunes filles coiffées de couronnes florales. « Je me marierai avec Dieu » : ce sont les premières paroles qu’Oxana prononce. Le long métrage suit Oxana de son enfance marquée par sa foi à son adolescence et son apprentissage politique l’amenant à remettre en question le pouvoir et le marchandage religieux. Artiste, elle produit initialement des icônes pour gagner sa vie, puis détourne les codes traditionnels. Plusieurs années après, c’est au milieu d’une scène de sexe inopinée qu’elle répète, comme pour elle-même : « Je ne me marierai jamais ».
Ce portrait puissant d’une figure féministe livré par Charlène Favier transporte dans les méandres d’une lutte effrénée et vitale. Interprétée avec brio par l’actrice Albina Korzh, Oxana incarne la résistance et la résilience.
Ce long-métrage, plus qu’un sublime portrait, est un récit de résistance. Le mouvement Femen, est fondé en 2008 à Kiev en Ukraine par trois amies qui rêvent de liberté et d’émancipation. Oxana Chatchko, Anna Hutsol et Oleksandra Chevtchenko militent contre la corruption et la marchandisation des corps. Femen s’agrandit et multiplie les actions, d’abord en Ukraine, puis en Biélorussie. Affichant des slogans peints sur leurs seins nus et coiffées de couronnes florales, elles cherchent à gagner en visibilité et à légitimer leurs combats. Les idées d’Oxana fusent et s’entremêlent dans le politique et l’artistique.
Charlène Favier rend également compte des tensions qui peuvent se trouver au sein d’un groupe de militant.es. Elle prend assurément parti pour la vision d’Oxana, qui voit Femen comme une idée, muable, entière, combative, sans égo ni hiérarchie. De son côté, la militante Femen Inna, qui a popularisé le mouvement à l’international, s’impose comme une matriarche, figure centrale et supérieure.
Le film révèle les paradoxes qui traversent ces militantes, partagées entre la peur, la colère, la résilience et l’impuissance. Le 23 juillet 2018, Oxana, étudiante aux Beaux-Arts, jeune artiste exposée et réfugiée politique, se retrouve désarmée, ne sachant plus comment lutter ni comment vivre en l’absence de lutte.
Au cinéma le 16 avril 2025.
Visuel : ©Charlène Favier