Notre Dame, une réouverture Cult(e)

 Notre-Dame de Paris. Elle est Notre Dame. C’est pour cela que beaucoup ont pleuré, il y a cinq ans. Les enfants attaché·es au monument de leurs contes, les touristes en pleine dystopie, les parisien·nes de cœur et de quotidien, les croyant·es et les athées,  les amoureux·euses d’architectures et les passionné·es d’histoire, les bouquinistes sur les quais. Des larmes, beaucoup de larmes comme pour éteindre les flammes qui ont ravagé la flèche, les toitures de la nef et du transept, la charpente, celle-là même que l’on surnommait la « forêt »… Un court-circuit et des siècles d’Histoire s’envolent, reste un débat,  « comment rebâtir la cathédrale ? », et une question, « qu’est-ce que le patrimoine ? ». Fallait-il reconstruire la flèche à l’identique ou bien garder les stigmates des flammes, la charte de Venise  qui donne le la des restaurations depuis 1964 penche du côté de la première solution.

Le 16 avril 2019, au petit matin, quand les pompiers annoncent que « le feu est totalement maîtrisé », la question de ce qu’il va falloir faire bruisse déjà dans cette France en pleine crise généralisée. Les dons affluent pour raviver la belle, la refaire encore plus belle, et tout le monde s’enflamme pour savoir comment on va la rhabiller ! La loi de 1901 a bien séparé l’Église et l’état, mais il faut croire que Notre-Dame n’a que faire de tout cela. Elle serait plus qu’un lieu de culte, un lieu d’unité nationale. D’ailleurs, la majorité des 846 millions récoltés pour la restauration de la belle provient de grandes fortunes laïques, essentiellement celles de Bernard Arnault et de la famille Bettencourt Meyers.  

Pendant ces cinq ans, le chantier a révélé des trésors qui passionnent le monde de la culture. La dernière en date étant le retour à l’air libre du Jubé, cet ensemble qui portait l’histoire du Christ au XIVe siècle, est là, intact dans ses couleurs; il est exposé au musée de Cluny dans l’exposition dédiée aux sculptures de la cathédrale, de mieux en mieux reconstituées, malgré le feu, et aussi bien avant : après les destructions découlant de la Révolution. Les historien·ne·s et les archéologues pensent avoir retrouvé la sépulture de Joachim du Bellay. L’incendie, cet  « événement monstre » dont parle l’historien Pierre Nora est devenu un lieu de mémoire et de culture très singulier dans notre XXIe siècle qui avance : Notre-Dame brûle, le long métrage de Jean-Jacques Annaud, reconstitue heure par heure l’invraisemblable réalité des événements, tout autant que la série Notre-Dame : la part du feu est inspirée des témoignages de pompiers présents ce jour-là. Et le monument reste intimement associé dans notre imaginaire collectif à celui de Victor Hugo dont le roman, mille fois adapté, est aussi devenu une comédie musicale hautement Cult. Et l’on a récemment retrouvé un opéra dont le grand écrivain a signé le livret et composé par Louise Bertin, La Esmeralda.  De façon étrangement prémonitoire, en janvier 2019, l’organiste Olivier Latry y enregistrait sur le fameux orgue miraculeusement préservé l’album Bach to the Future devenu carrément mythique (et sorti en vinyle) après l’incendie. Cet album ressort sous le titre Bach to Notre-Dame chez Outhere, alors même que le musicien y propose des offices et des concerts dès le 7 décembre. 

Par un mouvement de solidarité et d’envie de préserver, de construire et de reconstruire, moins de cinq ans après, Notre-Dame rouvre ses portes à tous les publics. C’est une des plus jolies manières d’engager cette fin d’année 2024. Nous vous souhaitons donc, si vous êtes à Paris, de retourner voir le monument dans sa splendeur et de passer une belle semaine !

Laura, Amélie et Yaël