Nostalgie quand tu nous tiens, le grand retour des années 2000

L’esthétique y2k : « L’art [comme la mode] est traditionnellement cyclique »

Grafton Tanner, auteur et universitaire américain, publiait en novembre dernier Foreverism : Quand le monde devient un jour sans fin. Dans cet ouvrage, l’écrivain de 35 ans définit le foreverism-un concept qu’il a imaginé-comme « une forme de nostalgie essentiellement appliquée à l’art, une tendance à s’inspirer du passé pour créer de la nouveauté. » Cette dynamique n’est pas à l’œuvre uniquement dans le monde de la musique et du cinéma, mais aussi celui de la mode.

Depuis quelque temps, l’esthétique des années 2000 revient en force. L’esthétique y2k et son univers- les styles et la mode de la fin des années 1990 jusqu’au du début des années 2000- imprègnent nos rues : pantalons taille basses, crop-top, sneakers à plateforme…La mode Bratz est de retour.

Un des emblèmes de cette esthétique est certainement le top mini-papillon, devenu culte, imaginé par le couturier français Emmanuel Ungaro. Porté pour la première fois par le mannequin Noémie Lenoir à l’occasion du défilé Haute-Couture printemps-été 2000, il a été popularisé grâce à l’interprète de All I want for Christmas is you,  Mariah Carey qui portait l’iconique top aux VH1 Divas 2000, en avril 2000. Dernièrement c’est l’auteure-compositrice, actrice et mannequin mondialement connu, Dua Lipa, qui s’est faite « l’ambassadrice de cette tendance des années 2000 » en déclinant le top papillon sous toutes les coutures : robes, ensembles…

On a pu l’apercevoir avec le célèbre top en 2023 dans un entretien pour Vogue ou encore au London Palladium à l’occasion du concert de la chanteuse Adèle, vêtue d’un ensemble rose avec brassière et jupe fendue (autre classique de la mode des années 2000)  à motifs papillons. Elle a également revisité la fameuse robe Papillon imaginée par la maison Versace et portée dans les années 90 par l’iconique mannequin, Naomi Campbell.

 

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Plus récemment, on a vu à la Mostra de Venise l’actrice française, Rebecca Marder à l’affiche du dernier film de François Ozon, L’Etranger, habillée d’une mini-robe à bretelles « d’inspiration y2k ». Ou encore Julia Roberts déambulant dans les rues de Venise avec aux pieds des sneakers-ballerines, une tendance des années 2000 de retour pour cette rentrée.

« Nostalgie assumée, esprit Y2K revendiqué » peut-on lire sur un post Instagram du magazine Vogue France.  Les années 2000 sont belles et bien de retour.

Cette esthétique de retour parfaitement incarnée par les héroïnes de Boulevard de la mort–Death Proof (2006), le long-métrage de Quentin Tarantino-à l’écran, mini short taille basse, crop-top et jupes à volants-témoigne d’un véritable engouement pour l’esthétique du début de la nouvelle ère.

Au cinéma : le style rétro envahit nos écrans

Au cinéma aussi l’univers y2k fait mouche.

Le renouvellement de cette ère y2k est aussi très visible à travers les génériques de films. Dans de nombreux longs-métrages récents, on peut observer des génériques à la police rose et rétro à l’image du film de Sofia Coppola, sorti en 2006, Marie-Antoinette. C’était notamment le cas dans le long-métrage de la norvégienne Emilie Blichfeldt, The Ugly Stepsister (sorti le 2 juillet), dans celui de Prïncia Car, Les Filles désir (sorti le 16 juillet) ou encore The Last Show Girl qui signait le grand retour Pamela Anderson.

 

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Cet enthousiasme pour le vintage ne s’arrête pas aux années 2000. On l’a vu dernièrement avec le long-métrage réalisé par Gilles Lellouche, L’Amour Ouf, énorme succès au box-office, reconnaissable par son esthétique 90’s léchée : bande son, costumes, décors…Puis avec l’adaptation du roman de Nicolas Mathieu (Prix Goncourt 2018) Leurs Enfants après eux qui s’inscrit dans la même lignée « années 90 » que L’Amour Ouf.

Le forverism se définit également par son concepteur comme « une grande prolifération de remakes cinématographiques, de séries au style rétro ». Il en est de même avec la multiplication récente de biopics qui traduit un réel enthousiasme pour les figures du passé. En janvier dernier sortait Un parfait inconnu avec l’acteur star Timothée Chalamet, qui relate l’histoire du musicien Bob Dylan. Pourtant un biopic avait déjà été réalisé en 2007 avec la merveilleuse Cate Blanchett dans le rôle du chanteur. Plusieurs autres biopics sont prévus pour 2027, entre autres le très attendu The Beatles–A Four–Film Cinematic Event (titre provisoire) avec Paul Mescal et Harris Dickinson, mais aussi d’autres long-métrages retraçant la vie de Janis Joplin, Madonna, Fred Astaire, Linda Ronstadt ou encore Michael Jackson sont attendus.

« La figure de la Lolita »

Ce lundi 8 septembre la chanteuse Alizée, idole des années 2000, fêtait ses 25 ans de carrière à l’Olympia. Un spectacle intitulé « 25 ans déjà » avec au programme bien sûr son tube-énorme succès de l’an 2000- Moi…Lolita. De quoi ravir l’esprit des nostalgiques.

Lolita c’est d’abord le diminutif de Dolores Haze, le personnage du roman éponyme de Vladimir Nabokov publié en 1955. Si le roman ne met pas en scène une jeune fille précoce qui cherche à susciter le désir des hommes adultes, son adaptation en 1962 par le cinéaste Stanley Kubrick si, au grand regret de Nabokov. C’est pourtant cette vision de la Lolita mise en scène par le réalisateur américain qui perdurera. Une vision déformée par un regard patriarcal que le mouvement Metoo (sous toutes ses formes) tente d’enterrer définitivement.

La figure de la Lolita est également un des symboles des années 2000. Un symbole personnifié par la chanteuse Britney Spears « l’incarnation musicale » américaine de la Lolita. On se souvient du clip de Baby One More Time (1998), un succès planétaire, qui mettait en scène la chanteuse pop, alors âgée de 17 ans, en collégienne à l’uniforme sexy. Comme Alizée, il s’agit de son premier tube. Les deux jeunes femmes ont alors été propulsées sur le devant de la scène en personnifiant ce fantasme à rebours de l’idéologie féministe. La série Britney sans filtre, disponible sur la plateforme Arte, relate les ravages de cette hypersexualisation sur la chanteuse.

Près de 35 ans auparavant, une autre chanteuse, France Gall, s’illustrait malgré elle en Lolita. Elle interprétait en 1965 Poupée de cire, Poupée de son écrite par Serge Gainsbourg. Tout comme Alizée et Britney, elle est à peine majeure au moment où la chanson sort et ne mesure le sens des paroles.

De France Gall à Britney Spears, dans l’industrie musicale, les femmes ont toujours été poussées par leurs homologues masculins à incarner malgré elles le fantasme « Lolita ».

L’emballement pour l’esthétique y2k se concrétise avec le retour de la marque Diddl. Un plongeon manifeste dans le passé.

La marque Diddl incarnée par la souris blanche à grosses pattes, star des récréations, sera de nouveau en vente le 1^er octobre. De 1994 à 2006, l’iconique peluche imaginée par le dessinateur Allemand Thomas Goletz fait mouche chez les pré-adolescentes. Mais c’est véritablement dans les années 2000 que la marque décolle, on se souvient des papiers à lettres parfumés échangés entre midi et deux-mais aussi des stylos et des peluches porte-clés. La marque s’éteignait en 2010 : les pré-adolescentes devenues adolescentes avait abandonné la souris blanche.

La société Kontini a annoncé le retour du phénomène des cours de récrés avec la collection Diddl is back, espérant toucher les pré-adolescentes d’aujourd’hui mais aussi celles d’hier : « Nous visons deux publics : les, déjà, nostalgiques des années 2000, […]. Et les enfants d’aujourd’hui »

Un retour qui séduit déjà puisque c’est à la demande de « gros clients » que la marque refait surface. Mais de 15 ans, plus tard Diddl is back prend en compte l’évolution de la société en proposant des articles papeteries en fibres recyclés et recyclables.

Si l’esthétique rétro est de nouveau à la mode, la mentalité l’est moins. Les Lolita d’hier sont devenues les féministes d’aujourd’hui. Britney Spears est désormais une icône féministe qui revendique sa liberté. Alizée affirme qu’on «peut être Lolita à 15 ans et féministe à 30». La maîtresse de conférences Emmanuelle Fantin note cette capacité dans la pop culture actuelle «à mêler plusieurs époques, tel un palimpseste».