Musk contre Wikipédia : la guerre est déclarée

Les nouvelles « cibles » d’Elon Musk

Le 24 décembre dernier, Elon Musk reposte sur son compte X un message de Libs of Tik Tok rapportant les secteurs de dépenses 2023-2024 du site Wikipédia. Il appelle alors à « ne plus donner d’argent à Wokepedia [nouveau nom qu’il donne au site, en y insérant le « woke »] tant qu’il ne restaure pas un équilibre à leur autorité éditoriale ». Ce tweet rejoint une série d’autres attaques lancées par le milliardaire contre le site encyclopédique sur son profil depuis quelques semaines. Il serait facile de ne pas les prendre au sérieux et d’analyser ces piques comme une énième provocation de l’entrepreneur sur son compte. Mais son rachat de Twitter en 2022 et la création, en juillet 2023, de l’entreprise xAI spécialisée dans l’intelligence artificielle témoignent des nouvelles ambitions d’Elon Musk, qui semble vouloir prendre en main les espaces de démocratisation de la connaissance.

« You can’t buy Wikipedia »

« J’ai l’impression que beaucoup de choses que fait Elon Musk, c’est d’avoir une vision folle et d’utiliser les marchés pour la réaliser […] Mais Wikipédia ne réagit pas vraiment à l’argent ». C’est en tout cas ce que rappelle Annie Rauwerda, à l’origine du compte Instagram Dephts of Wikipedia, interrogée par le magazine Rolling Stones. Selon elle, les nouvelles menaces d’Elon Musk résonnent avec des propositions erratiques récurrentes de la part du milliardaire, qu’il semble pourtant toujours rendre possible. En premier lieu desquelles le rachat « fou » de Twitter en 2022, qui l’expose à de nombreuses critiques. L’acquisition l’aurait en effet fragilisé, le contraignant notamment à s’endetter fortement : il ne possède désormais plus que 13% du capital de Tesla, son entreprise de construction automobile. Pourtant, X constitue plus que jamais une « agora » influente où les opinions se font de moins en moins modérées. Elon Musk déploie ainsi un nouveau modèle de circulation et de production de l’information : désormais sur X, anything goes.

Défense libertarienne

Le 28 décembre, Elon Musk partage sur Twitter une vidéo de l’économiste ultra-libéral Milton Friedman, légendant : « Wise words from a true genius ». Il affirme ainsi son adhésion au libertarianisme, courant de pensée influent aux États-Unis, prônant une liberté individuelle absolue et la non-intervention de l’État. Plus qu’un simple adepte des principes libertariens, Musk semble vouloir les appliquer dans l’espace public, par le biais de son réseau social X, anciennement Twitter.

Provoquer pour mieux régner

Lors du rachat, le 14 avril 2022, Elon Musk déclare ainsi : « Nous devons être très réticents à supprimer des tweets […] et viser une liberté d’expression maximale ». Il impose donc sur X un modèle d’information libertarien, moins régulé mais plus privatisé : toutes les opinions peuvent s’exprimer, quelles que soient leur véracité, sur une plateforme détenue par une personne identifiable, avec des fonctionnalités de plus en plus payantes. Elon Musk s’oppose par ailleurs aux médias traditionnels de même qu’à Wikipédia, qui défend un modèle collaboratif non privatif fondé sur la vérification des informations.

Wikipédia ou le sanctuaire d’une circulation contrôlée des contenus

« Si l’on met de côté les grimaces et le mépris, il y a une raison pour laquelle Musk s’en prend à Wikipédia. La vue de quelque chose créé socialement et qui fonctionne est une insulte pour lui », rappelle Zoe Williams pour The Guardian. Qu’on le veuille ou non, Wikipédia s’impose donc comme un modèle à défendre pour préserver un espace public pacifié, en contradiction avec la diffusion débridée de connaissances prônée par Elon Musk. Précisément parce que, comme le souligne la page de discussion de l’article Wikipédia de Musk : « Wikipédia n’a pas à faire ce que Musk dit ».