Le Musée des Confluences de Lyon, qui fêtera ses 10 ans l’an prochain, accueille deux expositions, l’une sur l’amour ayant débuté ce 20 octobre, l’autre sur le photographe Marc Riboud, visible jusqu’à la fin de l’année.
Au confluent du Rhône et de la Saône, ce jeune musée mêlant à la fois histoire naturelle, anthropologie, sociétés et civilisations détonne par son architecture soignée et signée par le cabinet autrichien Coop Himmelb(l)au. Le lieu est immense, joue avec la transparence, l’eau, les écailles, les matériaux bruts et gris et la blancheur de ses couloirs.
Au confluent du Rhône et de la Saône, ce jeune musée mêlant à la fois histoire naturelle, anthropologie, sociétés et civilisations détonne par son architecture soignée et signée par le cabinet autrichien Coop Himmelb(l)au. Le lieu est immense, joue avec la transparence, l’eau, les écailles, les matériaux bruts et gris et la blancheur de ses couloirs.
La première exposition, sur laquelle mise le musée pour cette rentrée, s’intéresse à l’amour. Vaste programme. Adapté de « De l’amour », une exposition qui a eu lieu à Paris, au Palais de la découverte en 2019 et 2020, ce projet lyonnais est pour le coup intitulé « A nos amours ». Il a pour but d’explorer toutes les manières d’aimer, que ce soit du côté de la famille, de l’amitié, du sentiment amoureux, du désir, de l’animal de compagnie, …
De multiples installations, des objets, des photographies, des sons, des contes, des témoignages et des films composent le parcours de l’exposition. Qu’y voit-on ? Des coeurs – normal – mais aussi des messages, des jeux, de la couleur, des « je t’aime » en plusieurs langues, des tests (« Quel emphatique êtes-vous ? »), un mur de sextos, un juke-box permettant de danser sur Clara Luciani ou Françoise Hardy, sous une boule à facette, …
Pensé comme une « expérience émotionnelle », ce parcours propose une scénographie très poussée – un peu trop à notre goût – devant lesquelles étonnamment, on ne ressent pas tant d’émotions que cela et d’où on sort plutôt dubitatif.
Finalement, c’est plus du côté des objets venus d’ailleurs – ce qui constitue en grande partie le fonds du musée – qu’on retrouve une forme de lien et d’envie d’aimer. On pense par exemple à la miniature, datant des années 20, d’un couple se baignant dans un « onsen », un bain japonais, dont seules les petites têtes rondes dépassent d’un bout de bois, ou bien à ces clichés colorés de la photographe suisse d’origine iranienne Laurence Rasti représentant des coupes homosexuels en Iran, dont les visages sont dissimulés, que ce soit par un drap ou par des énormes fleurs.
A la sortie, on continue à s’intéresser à la photographie via le travail de Marc Riboud, photographe né en 1913 dans la région, à Saint-Genis Laval. Cette petite et discrète exposition a pour nom « Marc Riboud, 100 photographies pour 100 ans » et accompagne le centenaire de sa naissance. Les tirages sont plutôt petits et « respectent les formats de prédilection » du photographe. L’idée ? S’immerger dans l’image, valoriser le travail du photographe et ouvrir dorénavant le musée des Confluences aux expositions de photos.
Marc Riboud, décédé en 2016, a fait partie de l’agence Magnum dès 1953. Il a voyagé partout, même si il se voyait plutôt comme un promeneur. « Je voyage à mon rythme », disait-il. Cambodge, Bangladesh, Inde, Russie, Etats-Unis, Chine, Afghanistan, Japon, Turquie, Népal, Ghana, Algérie, Congo, Cuba, Arabie saoudite, …: son passeport ne devait pas se reposer beaucoup !
De ses promenades, il a ramené bon nombre d’images (50 000 oeuvres !) qui ont été cédées au Musée Guimet à Paris. Parmi celles-ci et qu’on retrouve dans cette exposition, il y en a quelques unes qu’on connait bien. Celle par exemple de « La jeune fille à la fleur », prise en 1967 à Washington. A gauche, des baïonnettes, l’armée américaine défendant le Pentagone. A droite, une jeune femme tenant une fleur à la main qui représente la jeunesse refusant la guerre du Vietnam. Il y a aussi celle du « Peintre de la tour Eiffel », prise en 1953 à Paris, montrant un peintre qui fume nonchalamment sa cigarette, à quelques centaines de mètres du sol, dans une pose de danseur ou de funambule. Cette dernière photo, sélectionné par Robert Capa, l’apprend-on, a permis à Marc Riboud d’entrer à la fois au magazine américain Life et à Magnum.
98 autres images complètent cette exposition. Font partie de nos coups de cœur celles des groupes, à l’instar des dockers à Liverpool en 1954, des partisans de l’indépendance de l’Algérie en 1962 et des manifestants à Paris en 1968. On s’intéresse aussi aux gros plans, comme ces portraits côté à côté, séparés de 10 ans seulement : un soldat chinois et un enfant russe, emprunts de solennité. Les enfants, justement, Riboud les photographie avec acuité : il y a ces petites filles amies et pauvres, unies de dos au Cambodge, ce petit garçon chinois dans les bras de son père et ces enfants voilés, seuls, sur la route, en Iran.
On aime également ces paravents qui mènent le visiteur vers la fin de l’exposition : trois grands cadres représentant des paysages parsemés de brume, en Inde et en Chine, au rendu noir et blanc. C’est là le seul endroit où on peut vraiment s’assoir et contempler, en écoutant les mots – trop rares – du photographe à travers des extraits d’interviews radio. Peu de photos le représentent, aucune vidéo, quelques citations reproduites sur les murs. L’image seule parle. Et elle nous parle pour le coup bien davantage que dans l’exposition qui lui fait face grâce à l’émotion, l’empathie, la beauté et l’universalisme qui se dégagent des images accrochées aux murs.
Katia Bayer
© musée des Confluences – Bertrand Stofleth