Le magnifique musée de l’Annonciade, situé sur le port de Saint-Tropez, célèbre le centenaire de la mort d’une artiste méconnue, Lucie Cousturier (1876-1925), à travers une exposition rare et sensible sur la benjamine du groupe néo-impressionniste.
Par Hugo Salama
Née en 1876, Lucie Cousturier fut l’élève et l’admiratrice fidèle de Paul Signac. Elle partage avec lui l’idéal néo-impressionniste, ainsi qu’une affinité profonde avec le sud méditerranéen. Elle côtoie aussi d’autres figures majeures du mouvement : Maximilien Luce, Théo Van Rysselberghe, Charles Angrand ou encore Henri-Edmond Cross.
Son style, résolument pointilliste, s’inscrit dans cette dynamique divisionniste, qu’elle adapte peu à peu en l’épaississant, jusqu’à obtenir parfois un effet de mosaïque — comme dans ce magnifique Portrait de femme en rose et bleu, l’une des œuvres phares de l’exposition.
Comme ses aînés, elle trouve en Provence son laboratoire de lumière. L’été, elle séjourne à Saint-Tropez, au Lavandou ou à Fréjus, où elle capte la vibration intense des paysages du Midi. Une œuvre remarquable retient l’attention : Le Pin au bord de la mer. Le tronc, incliné vers l’argent, dialogue avec le rouge porphyre des roches et le bleu azur des vagues. Ce motif simple devient vision cosmique.
Mais Lucie Cousturier ne se limite pas à ces paysages méditerranéens : l’exposition révèle aussi d’autres thématiques qui traversent son œuvre — des scènes du bois de Boulogne, des portraits lumineux, et surtout, un ensemble impressionnant consacré à l’Afrique.
À l’âge de 40 ans, une rencontre déterminante bouleverse son parcours : celle de tirailleurs sénégalais. Elle part alors en mission en Guinée, envoyée par le ministère des Colonies. Elle y séjourne près de dix mois et en rapporte plusieurs centaines d’aquarelles, croquis et carnets, qui témoignent d’un regard curieux, respectueux et profondément artistique.
Ces œuvres africaines, tout en couleur et en rythme, résonnent subtilement avec les recherches chromatiques des néo-impressionnistes, dans une synthèse à la fois documentaire et poétique.
L’exposition rend justice à une artiste longtemps restée dans l’ombre de ses mentors masculins. En la replaçant dans le contexte riche de la scène néo-impressionniste, mais aussi en soulignant la singularité de son regard, Lucie Cousturier, une artiste accomplie nous invite à reconsidérer toute une généalogie féminine de la modernité.
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