Lollapalooza : retour sur le festival international à l’hippodrome de Longchamp

Le festival Lollapalooza, qui existe depuis déjà plus de 30 ans aux États-Unis (1991), a donc fêté son 8e anniversaire à Paris. Inauguré pour la première fois en France en 2017, il réunit aujourd’hui des artistes venu·e·s du monde entier. Cette année, on a eu l’occasion de rencontrer et de (re)découvrir des artistes de tous horizons : avec ses 3 scènes et 2 dj sets, le festival ne nous a laissé que 3 jours pour apprécier sa richesse musicale. Entre électro, pop, rap, techno shatta, et même kpop, Lollapalooza a démontré sa pluralité musicale dans ses guests.

Des styles très variés

L’un des grands avantages de Lollapalooza réside dans la diversité des artistes présent.e.s. On y retrouve des styles extrêmement variés, allant de la pop américaine avec Olivia Rodrigo au rap français avec Franglish, en passant par le rock canadien avec Mother Mother, avec qui plus est des artistes fort bien répartis entre les trois jours de festival.

Ceci est notamment permis par les diverses scènes du festival : on y retrouve deux scènes principales qui accueillent les artistes les plus mainstream, et s’échangent les plus gros musicien·ne·s en fin de soirée ; une “alternative stage” regroupant des artistes aux styles parfois plus excentriques ; “Perry’s stage” sur laquelle s’enchaînent des DJ, et enfin la petite “Sound System Stage” avec de plus petits DJ – et souvent moins de monde que dans le coeur du festival, parfait donc si vous voulez avoir de la place pour danser !

La variation de styles se retrouve même au sein des deux scènes principales : les plus gros noms du festival, présents en fin de soirée, étaient d’une diversité appréciée. Lola Young et son R&B, Benson Bonne et sa pop-rock – ponctuée de ses saltos arrières signatures sur scène ! -, Olivia Rodrigo et Justin Timberlake et leur pop, IVE avec leur k-pop, Franglish et son rap, David Guetta avec ses platines…

On notera ici l’apparition mémorable de Jacob Collier, musicien, compositeur et interprète, sur une des deux scènes principales malgré sa musique alternative, et qui a su nous en mettre plein les yeux. Débarqué sur scène en veste vert fluo, pantalon bleu électrique et crocs jaune pétantes, il a su transmettre son énergie et sa bonne humeur constante au public. Son atout le plus impressionnant, outre sa capacité à jouer d’un instrument différent à chacun de ses morceaux, est probablement son talent d’improvisateur : il joue avec ce que le public lui propose, s’adapte à son auditoire, par exemple en nous proposant une improvisation de plusieurs minutes sur La vie en rose. Ce formidable musicien s’amuse aussi lors de ses concerts à faire chanter son public en polyphonie, démontrant ainsi que tout un chacun peut d’une certaine manière être artiste.

Coups de coeur du festival : Almost Monday et Raye

Les soirée festives – qui commençaient à 15h30 ou 16h pour notre plus grand plaisir – s’ouvraient chaque jour avec des artistes moins connus, repérés par le festival. Nous avons ainsi eu le plaisir de découvrir Inji et sa vibe parfaite pour les festivals, Allie X avec sa tessiture de voix impressionnante, Joey Valence & Brae et leur musique électronique alternative, mais surtout leur énergie folle entraînant tout le monde dans la danse, ou encore le duo Outcycle avec leurs sonorités mêlant pop, rock et rap et leur bonne humeur communicative.

Au sein de tous ces jeunes groupes, l’un s’est particulièrement démarqué : Almost Monday, groupe d’indie pop/rock qui nous a mis du soleil plein les yeux. Rythmes entraînants, airs entêtants, énergie déployée sur scène, Almost Monday a tout pour plaire. Surtout en été : ils communiquent une ambiance de festival estival idéale.

Il nous tient aussi à cœur mentionner une artiste qui a illuminé la scène de sa présence : Raye ! Connue pour ses titres Escapism, Prada ou You don’t know me, elle a su revisiter ses propres musiques dans un style jazz et rythmé avec un orchestre endiablé, au point également d’interpréter Cry me a river d’Ella Fitzgerald. Mais c’est surtout sa présence scénique qui nous a émues et marquées lors de cette performance : elle rebondissait sur scène et se donnait à 200% avec une voix époustouflante, se permettant même avec sa superbe voix des envolées lyriques sensationnelles.

Hypersexualisation des musiciennes et moins des musiciens

Une chose reste tout de même marquante dans toute l’industrie musicale : les inégales sexualisations chez les artistes femmes et hommes. Mini-jupes et mini-shorts, crops-tops et corsets, talons, danses suggestives… les femmes mettent systématiquement en avant leur féminité, actions qui se retrouvent encouragées par la foule hurlant en délire au moindre déhanché. Cela n’aurait pas forcément été dérangeant si la situation n’était pas extrêmement inégalitaire : nombreux sont les artistes masculins à monter sur scène en tenues baggy, sans avoir besoin de mettre autre chose en valeur que leur art. Une forme d’inégalité extrêmement courante dans le monde de l’industrie musicale : Ariana Grande, Miley Cyrus, Britney Spears… la quasi-totalité des grandes stars de la musique, notamment pop, ont vu leur carrière décoller avec leur sexualisation. Une situation qui s’arrange par moments – on pense par exemple à Molly Guldemond et Jasmin Parkin, les deux chanteuses du groupe Mother Mother présentes à Lollapalooza dans de grandes robes larges et sans chorégraphie suggestive – mais qui continue à détonner en 2025.

Artistes plus ou moins politiques

Le festival a fait le choix de certain·e·s artistes connu·e·s pour leur engagement politique et social comme Saint Levant ou Macklemore, tous deux ouvertement et fortement pro-palestiniens. Cependant, le reste des artistes et le festival en lui-même s’est montré assez neutre, voire apolitique. Cela peut paraître étonnant, puisque la musique résonne comme un genre souvent très politique, d’autant plus en ces périodes de conflits et de tensions. On regrette un manque d’engagement de la part du festival : on aime que la musique rassemble et divertisse mais elle a également une forme de devoir d’éduquer et de partager des valeurs.

Cela suit peut-être le manque de ligne directrice du festival, d’un récit plus clair sur ce que représente Lollapalooza. Il manque peut-être juste un meilleur storytelling du festival, une histoire de Lollapalooza. On a du mal à se situer sur ce festival : est-ce un ancien festival rock qui s’est converti en quelque chose de plus transversal ? Est-ce juste une tradition des États-Unis qui s’est exportée en France ? Le festival ne nous raconte pas grand chose, si ce n’est des concerts divers… On apprécie la diversité mais au prix d’un total manque de parti pris ?

D’autant plus que la France fait partie des pays à avoir le plus de festivals de musiques l’été. Les Vieilles Charues, les Solidays, la Fête de l’Huma… Les festivals en France regorgent de revendications ou d’une ligne artistique bien claire. Qu’exprime à côté de cela le festival Lollapalooza, qui de plus représente une certaine somme, avec des billets allant de 90€ pour une journée, jusqu’à 220€ pour le pass 3 jours ?

À cela nous ajoutons des petits problèmes comme les enceintes, lors des concerts, qui diffusaient un volume particulièrement élevé flirtant avec la limite tolérée pour la santé. Heureusement, des bouchons d’oreilles étaient disponibles gratuitement en plusieurs points du festival, mais cela aurait sans doute dû être mieux indiqué et précisé.

Cependant, nous étions assez ravies de trouver dans l’enceinte du festival un grand espace réservé aux associations, allant de la protection marine et environnementale avec Sea shepperd, Surffrider, World Cleanup Day, Greenpeace à d’autres centrées autour d’enjeux sociaux comme Cop1, Emmaüs, SOS homophobie, The shifters, Ghett’up, En avant toute(s), etc. Cela démontre une nouvelle fois une grande diversité dans les causes de Lollapalooza, mais il manque peut-être une visibilité plus nette sur les actions et motivations du festival.