« L’Imaginaire au pouvoir » de Vincent Gerber : Que peut la science-fiction ?
par Julien Coquet25.12.2024
Cet essai littéraire sur la science-fiction se révèle clair et abordable : on y suit le projet politique d’un genre littéraire bien souvent décrié.
Dès le début de son essai, Vincent Gerber se risque à l’exercice périlleux de la définition. Qu’est-ce que la science-fiction ? Selon lui, ce genre est une « littérature d’idées. De toutes sortes d’idées. Des idées innovantes, mises en scène, testées et confrontées à une réalité fictionnelle. […] C’est une littérature à thèse et, par là même, une littérature politique – politique dans le sens comme on le verra d’une prise de position sur les grands thèmes et évolutions de nos sociétés. » L’idée de L’Imaginaire au pouvoir est posée : science-fiction et politique sont intrinsèquement liés. Loin d’être un genre de divertissement, la science-fiction dit quelque chose du monde actuel, et des mondes que l’on projette.
De l’importance de la science-fiction
Vincent Gerber adopte une posture historique pour mieux expliquer les prises de position de la science-fiction, de son épanouissement dans la société de consommation américaine des années 1950 à une science-fiction critique dans les années 1970-1980. La science-fiction, en réalité, possède en réalité de textes politiques si forts qu’ils s’immiscent dans le réel pour avoir une réelle portée politique : les références constantes de notre monde actuel au 1984 d’Orwell ou le masque de Guy Fawkes issu de V pour Vendetta repris par les Anonymous. Et si « la science-fiction a longtemps fait figure de littérature de niche, occidentale, portée par des personnes d’une certaine classe moyenne, masculine, plutôt instruite, mais pas forcément aisée », on compte aujourd’hui de grands noms féminins de la science-fiction, et des auteurs racisés (on pense notamment au courant de l’afrofuturisme).
Oui aux utopies !
L’Imaginaire au pouvoir passionne lorsque Vincent Gerber prend le temps d’analyser en profondeur des grandes œuvres de science-fiction comme le Cycle de la Culture de Iain M. Banks ou Les Dépossédés d’Ursula K. Le Guin. Si les utopies sont aujourd’hui moins présentes qu’il y a quelques dizaines d’années, au profit des dystopies, l’auteur nous avertit que « le recul de l’idée utopique nous renvoie là encore au symptôme de la désillusion du monde. ». En postface, Corinne Morel Darleux résume parfaitement notre sentiment global à propos de L’Imaginaire au pouvoir, « un essai « au sens propre du terme », c’est-à-dire un texte qui n’est pas surplombant, qui anticipe les objections et y répond de manière argumentée, sans dogmatisme, le tout avec une plume fluide et littéraire : bref, un essai qui se lit comme un roman. »
L’Imaginaire au pouvoir. Science-fiction politique et utopies, Vincent Gerber, Editions Le Passager clandestin, 176 pages, 19 €
Visuel : © Couverture du livre
