Pour le cinquantième anniversaire de son album révélation Horses, Patti Smith sort une réédition et jouera deux fois à l’Olympia les 20 et 21 octobre 2025. L’occasion de décrypter le parcours de cette amoureuse des mots et du rock.
La poétesse punk iconique Patti Smith fête les 50 ans de l’album qui l’a révélée en 1975, Horses. Elle dévoile pour cela une réédition, qui comprend notamment un titre jamais publié jusqu’ici. Elle se produira aussi les 20 et 21 octobre à l’Olympia. Avec « Snowball », elle se lamente du poids des souvenirs qui la rattrapent : « Memories, coming loud and clear/Memories, I recall/Coming like a big snowball ». Depuis un demi-siècle, l’artiste à la carrière tout sauf linéaire continue de se mouvoir avec singularité dans le paysage artistique.
Sa trajectoire unique pourrait trouver sa source dans sa rencontre avec le poète Arthur Rimbaud. Patricia – son vrai prénom – le découvre durant l’été 1963 quand elle travaille dans une usine de Philadelphie, pendant une promenade dans les rues de New York. Près de la gare de Philadelphie, elle trouve le livre Illuminations. La révélation des textes et la proximité en âge des deux – Rimbaud avait 16 ans quand il les a écrit, Smith 17 – confirme sa vocation de poétesse, commencée dès l’âge d’onze ans. En plus de toutes les casquettes qu’elle se met en un demi-siècle de carrière, celle-ci reste sa favorite. C’est aussi ce qui détermine son parcours musical.
Grande romantique, elle vit dans la pauvreté à New York à partir de 1967, recueil de son poète fétiche sous le bras. Celle qui a tout juste 20 ans a fui un environnement frustré et miséreux du New Jersey. Elle y rencontre le photographe Robert Mapplethorpe, avec qui elle vit dans une des chambres du Chelsea Hotel, pour une poignée de dollars la semaine. L’hôtel mythique à la façade rouge accueille pour presque rien de jeunes artistes, aspirant·es stars défoncé·es par la vie et la drogue. On y échange pendant des heures, on refait le monde en espérant en faire sortir quelque chose d’artistique et de libérateur. La mort rôde, elle prend les trop shooté·es, celles et ceux qui mettent fin à leur jour, les trop abîmé·es.
D’abord adepte de lecture musicale de ses poèmes, elle prend peu à peu goût au rock. Avec le guitariste Lenny Kaye, elle participe notamment au festival Rock ‘n’ Rimbaud en 1973. Clive Davis, fondateur du tout frais label Arista Records, les repère au printemps 1975. Patti Smith, Lenny Kaye rejoint par le pianiste Richard Sohl produisent en quelques mois le fameux Horses. Sous la houlette de John Cale, membre du mythique groupe de rock garage The Velvet Underground.
L’œuvre est unanimement saluée par la critique et fait connaître nationalement et mondialement l’artiste. La reprise de « Gloria » par l’auteur-interprète nord-irlandais Van Morrison, se distingue particulièrement. Patti Smith n’en conserve que le refrain et fait du morceau initial, très énergique, un titre au phrasé plus lancinant et à l’allure générale possédée. Elle devient une icône de la « blank generation ». Ces auteur·ices mobilisent une forme de narration épurée, dénuée de métaphores ampoulées et centrée sur les thèmes de la violence, du sexe et de la toxicomanie.
Elle poursuit sur sa lancée avec un second album, Radio Ethiopia, sorti en novembre 1976, un an seulement après son premier album. Elle s’arrête brusquement en 1977 pendant six mois après s’être fracturée sur scène les deux vertèbres cervicales. L’hyperactive écrit alors un nouveau recueil de poèmes, Babel, puis sort la pêchue « Because the night », chanson coécrite avec Bruce Springsteen.
Après un quatrième album, Wave, plus confidentiel, Patti Smith, lassée par l’industrie de la musique, se met en retrait. Elle se marie en mars 1980 avec Fred Smith, dont elle dédie la chanson « Frederick ». Pendant huit ans, elle se consacre à sa famille, avant de sortir Dream of Life. Y est notamment inclus l’hymne politique « People have the power ».
La carrière de l’artiste est faite d’à-coups, dus aux remous de la vie. Entre 1989, elle perd successivement, parfois à un mois d’intervalle, son grand ami Robert Mapplethorpe, Richard Sohl, son mari puis son frère. Dans Gone again, sorti en 1996, l’artiste semble vouloir exorciser dans une forme cathartique ces événements douloureux.
De nouvelles productions musicale et textes autobiographique ou poétique paraissent. Puis en 2004, la prêtresse punk à l’âme sensible renoue avec le succès grâce à Trampin’. Le titre, qui signifie « piétiner » en français, est un appel à la paix et au pacifisme, au moment de la guerre en Irak. Nouvelle consécration pour la passionnée de littérature française, elle est faite Commandeur des Arts et des Lettres en 2005. Cette distinction est remise par le ministre français de la culture de l’époque, Renaud Donnedieu de Vabres.
Le 12 mars 2007, le Rock Hall of Fame l’intronise. Un mois après, son album de reprises Twelve sort. Pendant la décennie 2010, elle alterne entre exposition photographique, nouvelles autobiographies, nouvel album – Banga (2012) – et concert en petit comité. L’artiste est souvent rendue en France. Elle devient citoyenne d’honneur de la ville natale d’Arthur Rimbaud, Charleville-Mézières, en 2019, une ultime reconnaissance pour la petite fille débrouillarde et rebelle du New Jersey. Ses deux concerts à l’Olympia prévus les 20 et 21 octobre 2025 affichent complet, preuve que la passion n’est pas à sens unique.
Patti Smith revient en France, pays de son cher Arthur Rimbaud. Ici en 2007 au festival Provinssirock en Finlande. ©Beni Köhler