Le 28 janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a exprimé sa « profonde inquiétude » face à la décision de l’administration Trump de suspendre le financement des programmes de lutte contre le sida dans les pays en développement. Cette décision, qui met en péril l’avenir de millions de patients sous traitement, suscite une levée de boucliers parmi les organisations internationales et les acteurs de terrain. Pour mieux comprendre les conséquences de cette mesure, nous avons interrogé Florent Maréchal, Directeur des Programmes de Solidarité Sida.
Déployé dans plus de 50 pays, le Programme présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR) est une initiative américaine lancée sous la présidence de George W. Bush il y a plus de vingt ans. Ce dispositif a permis de fournir des traitements antirétroviraux à 20 millions de patients et a sauvé plus de 26 millions de vies. En réduisant la mortalité liée au VIH, en limitant les nouvelles infections et en soutenant des milliers d’associations locales, le PEPFAR est devenu un pilier incontournable de la lutte contre la propagation du virus.
Florent Maréchal, Directeur des Programmes de Solidarité Sida, analyse les conséquences dramatiques de cette décision : « Les impacts d’une telle suppression sont catastrophiques : arrêt de l’accès aux soins et aux traitements pour 20 millions de personnes, une baisse considérable des programmes de prévention et de dépistage. Pour certaines associations, le PEPFAR représente 50 à 80% de leur budget annuel. Elles risquent donc de disparaître du jour au lendemain. Ce sont 30 ans de progrès, de travail acharné des associations communautaires qui risquent d’être effacés en quelques jours. C’est dramatique. »
Par ailleurs, cette suspension pourrait entraîner une hausse des nouvelles infections. « Le PEPFAR finance des actions de prévention, notamment auprès des publics les plus vulnérables. Si la prise en charge s’arrête et que les associations disparaissent, les risques de rupture dans les soins et le traitement sont inévitables. Une personne qui ne prend plus son traitement, ou de manière irrégulière, a un risque accru de transmission », alerte Florent Maréchal.
La recherche sur le VIH risque également d’en souffrir. Si les financements baissent, les avancées scientifiques sur les traitements seront compromises. « Aujourd’hui, nous ne travaillons pas seulement sur un remède curatif, mais aussi sur des thérapies allégées permettant aux patients de prendre leur traitement de manière plus espacée. Mais si des millions de personnes voient leur prise en charge interrompue, la priorité ne sera plus à la recherche mais à la survie », prévient le Directeur des Programmes de Solidarité Sida.
Face au retrait des États-Unis, l’Europe pourrait-elle combler le vide financier laissé par Washington ? « Je ne vois pas comment l’Europe pourrait remplacer ces financements du jour au lendemain. Prenons l’exemple de la France : le budget 2025 prévoit une coupe de près de 50% de l’Aide Publique au Développement, ce qui inclut l’aide à la santé mondiale. Nous sommes plus face à un renoncement qu’à une volonté de solidarité internationale », regrette Florent Maréchal.
La suspension du PEPFAR pourrait aussi influencer les politiques d’autres pays. « Si le premier contributeur mondial de la lutte contre le VIH/sida arrête ses financements, c’est un signal négatif pour toute la communauté internationale », met-il en garde. En cette période de repli sur soi, le risque est grand de voir d’autres gouvernements suivre l’exemple américain.
En 2015, la communauté internationale s’était fixé un objectif ambitieux : mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030. Cet espoir semble aujourd’hui s’éloigner. « Avant même l’annonce américaine, cet objectif était déjà difficilement atteignable. Maintenant, avec la suppression du PEPFAR et les coupes budgétaires en France et ailleurs, il devient presque impossible », conclut Florent Maréchal.
Alors que le VIH touche encore 39 millions de personnes dans le monde, la communauté internationale est face à un véritable défi. La décision des États-Unis pourrait bien marquer un retour en arrière dramatique, mettant en péril des décennies de progrès dans la lutte contre la propagation du virus.
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