Le Théâtre de la Cité internationale accueille jusqu’au 16 décembre Les Essentielles de Faustine Noguès, une plongée dans les abattoirs.
Des cloisons blanches et des personnes en blouse qui contemplent, effarées, les hauteurs : y pend la dépouille de l’une des leurs, victime d’un accident malencontreux. Ainsi attachée par le pied, tête en bas, elle ressemble à ces bovins auxquels elle donnait le coup de grâce. Elle peut désormais l’affirmer : quand on est morte, peu importe que l’on ait la tête en bas ou en en l’air. Ce genre de considération, c’est un privilège de vivant·es.
Pendant que la morte devise ainsi, non sans humour, avec le public, ses collègues s’activent. Cette pendaison, c’est l’accident de trop. Il leur faut désormais rencontrer le Possesseur, patron opaque de cette chaîne d’abattoirs, et iels décident pour cela de se mettre en grève. Mais comment faire ? Qui pour les représenter ? Les ouvriers et ouvrières cessent le travail pour la première fois et sont un peu démuni·es. La DRH de l’abattoir, elle-même un rien survoltée, doit leur servir d’intermédiaire.
Cette entrée dans le monde de la viande, de ses dangers et de ses souffrances s’appuie en grande partie sur la scénographie de Hervé Cherblanc. La blancheur des murs, le jeu sur la verticalité, qui distingue les vivant·es de la morte, mais aussi les humain·es des bêtes, est fortement suggestive. L’énorme carcasse de bœuf qui occupe l’avant-scène n’est pas sans rappeler Le Bœuf écorché de Soutine, quand la blouse gris métallisé de l’un des ouvriers joue les armures médiévales ou les robes Paco Rabane. Une façon de rappeler que ces personnes « essentielles » sont, comme tout le monde, sensibles à l’art et à la beauté ?
Toutefois, le travail de Faustine Noguès souffre d’un paradoxe : le texte, qui se veut précis dans son évocation de la douleur au travail, devient rapidement anecdotique. Quant à l’humour, son omniprésence a tendance à diluer le propos, et ce, d’autant plus qu’il brasse beaucoup trop d’éléments. Ni farce, ni pièce sociale, Les Essentielles reste dans un entre-deux peu convaincant.
Les Essentielles, de Faustine Noguès, avec Estelle Borel, Odja Llorca, Caroline Menon-Bertheux, Faustine Noguès, Alexandre Pallu, Armande Sanseverino et Martin Van Eeckhoudt.
Au Théâtre de la Cité internationale jusqu’au 16 décembre, puis en tournée les 19 et 20 décembre 2024 au Théâtre Dijon Bourgogne – CDN en partenariat avec l’ABC Dijon, le 28 mars 2025 au Théâtre André Malraux à Chevilly Larue, les 3 et 4 avril 2025 à l’EMC, Saint-Michel-sur-Orge, le 10 avril 2025 au Théâtre Jacques Carat à Cachan et les 15 & 16 avril 2025 à Château Rouge à Annemasse.
Visuel : © Christophe Raynaud de Lage