Pour la deuxième saison, un lundi par mois l’une des deux salles qui abrite les Nymphéas de Claude Monet accueille un public en petit comité pour une lecture intime et en musique. Ce 17 novembre c’est le romancier Yannick Haenel et la harpiste Aurélie Saraf qui rendaient un hommage très direct à la peinture.
Dans une lumière assez vive, qui éclaire assidûment les grandes fresques de Manet, nous sommes une cinquantaine à habiter de nuit une des deux grandes salles ovales qui abritent les Nymphéas, commandés à partir des deux premiers par «Le Tigre», Georges Clemenceau au lendemain de l’Armistice. Une partie du public est assis sur des coussins rond, une autre siège sur des bancs. L’atmosphère est à la contemplation et recueillement.
Après avoir été brièvement présentés, Aurélie Saraf et sa harpe (la première entrée en ce lieu) ainsi que Yannick Haenel prennent place entre le public et un mur de nylmphéas. L’auteur de « La solitude de Caravage » et de « Bleu Bacon » a répondu à cette invitation comme à une commande. Il rend hommage au lieu, à Monet, à la peinture. D’entrée de jeu, il nous fait revivre notre arrivée dans ces deux salles ovales qui dessinent l’infini et à les 93 mètres linéaires de peintures qui ont pris plus de 10 ans à un Monet qui perdait une partie de sa vue (et notamment la vision du rouge).
C’est avec beaucoup de questions – dont la plupart étaient rhétoriques et pas mal d’anaphores que l’écrivain rend hommage à la matière de la peinture, à la durée de l’immersion et de l’observation, au temps long de la perte dans les transparences et les obstacles de ces grandes toiles méditatives. Des toiles qui flirtent avec le monochrome du bleu, malgré la boue et le violet sensuel des leurs dans leurs feuilles vertes gorgées d’eau. Haenel célèbre en trois actes pour notre époque trop pressée « la victoire de la peinture sur le temps et du temps sur la peinture ».
En écho, et aussi parfois en solo pour marquer les entractes, Aurélie Saraf propose une composition brute, qui ose aussi les extrêmes, et même avec une partition coincée dans les cordes, un son quasi mécanique. L’Angelus Silesius passe, on nous invite à cueillir les fleurs et tout se termine sur le triomphe de lumière, qui, elle, ne meurt jamais, surtout quand les peintres veillent sur elle. L’on sort de cette grande demi-heure d’immersion avec une conviction magnifiquement transmise par cet écho des Nymphéas : « Le monde est respirable quand il est peint / Le monde est durable quand il est écrit / Le monde est aimable quand il est sculpté. ». Et peut-être aimable quand il est joué ? (ou vice-versa).
Prochaine date de l’écho des Nymphéas : le 15/12 pour entendre le duo Anne Berest / Marion frère.
visuel (c) YH