Anne-Sophie Bailly, passée par le Poitiers Film Festival en 2021, connaît une carrière fulgurante. À l’occasion de l’édition 2024 de la manifestation, elle a présenté son tout premier long métrage : Mon inséparable. La projection du film a eu lieu juste après la remise des prix de la compétition internationale.
En général, les réalisateurs primés (ou non) au Poitiers Film Festival sortent encore un ou deux autres courts métrages, écrivent ou co écrivent un ou plusieurs scénarios avant de s’atteler à la réalisation de leur premier long métrage. Anne-Sophie Bailly repérée au Poitiers Film Festival 2021, a visiblement tapé dans l’œil des professionnels du cinéma présents lors de la quarante-quatrième édition de la manifestation. En effet, elle est passée directement du court métrage au long métrage. Si le film fourmille de bonnes idées, on ne peut que regretter qu’elles n’aient pas été un peu plus développées.
L’histoire d’une mère solo qui s’occupe d’un fils handicapé mental, « en retard » comme le dit le synopsis, est assez courante. La mère, Mona, et le fils, Joël, sont fusionnels et lorsque la petite amie de Joël – Océane – qui travaille dans le même ESAT (Etablissement Spécialisé d’Aide par le Travail) se retrouve enceinte tout bascule dans la tête de Mona qui finit par craquer aussi bien devant son fils que devant Franck, son amant du moment. Si on ne peut que saluer l’intention d’Anne-Sophie Bailly de traiter d’un sujet pas toujours évident, nous regrettons que les portraits des différents personnages n’aient pas été plus poussés. De Mona, femme de tête qui est paumée dès que son monde est bouleversé, à Franck qui a bien du mal à cerner cette femme pour qui il a de l’affection – à défaut d’éprouver un véritable amour pour elle – en passant par le père d’Océane qui pète littéralement un plomb à l’annonce de la grossesse de sa fille. Autant de personnages qui accompagnent le jeune couple qu’on aimerait voir mieux décrits.
Si Charles Peccia Galetto (Joël) est effectivement bien à sa place – étant lui-même « en retard » – « Je ne sais pas exactement pourquoi je suis là » dit-il avant le début de la projection. C‘est Anne-Sophie Bailly et Camille Sanz qui doivent d’ailleurs lui expliquer qu’il s’agit de l’avant-première du film et qu’après la projection, il répondra aux questions du public en compagnie de la réalisatrice. Julie Froger est une belle Océane qui a son petit caractère ; elle sait ce qu’elle veut et, malgré son handicap, elle veut garder le bébé qu’elle porte contre l’avis de ses parents parfois un peu trop intrusifs (la gynécologue met d’ailleurs le hola en donnant la parole à la jeune fille). Laure Calamy peine à convaincre en Mona ; ce n’est pas pourtant pas faute de s’impliquer dans le film qui, même inabouti, n’en est pas moins prometteur. Geert Van Rampelberg est un Franck sympathique parfois un peu obtus, notamment lorsqu’il se rend compte que Mona ayant signalé la disparition de Joël peu après leur arrivée à Charleroi et qu’elle n’a rien fait pour rester joignable ce qui provoque une scène pénible dans laquelle Mona dit « … j’ose prononcer le mot tabou [normal]. J’ai essayé pour une fois de penser à moi et d’être normale… ».
Si Anne-Sophie Bailly a réalisé un film sympathique, elle aurait pu prendre un peu de temps pour développer un peu ses personnages et leur donner un peu plus de consistance. Néanmoins, nous tenons à saluer le travail de la jeune réalisatrice qui pourrait bien devenir une grande dame du cinéma dans les années à venir.
Sortie en salles le 25 décembre 2024.
Visuel : ©Guillaume-Heraud