Le père, la mère, et le Festival d’Avignon

par La redaction
24.07.2025

Depuis le 5 juillet dernier, Avignon, et ce comme chaque année, grouille de parades et d’applaudissements, de huées (aussi) et de conversations entre pur•es inconnu•es. Avignon héberge le théâtre, et en est un aussi. C’est un espace où se tissent des échanges, se croisent des trajectoires, se nouent des liens. Et au fur et à mesure que les spectacles défilent, il apparaît que sur scène, un lien en particulier soit énoncé, questionné, a minima exposé.

Quid de nos pères ?

Père modèle. Père violent. « Bon père de famille ». Père absent. Père oppressant. Père coincé dans les années 1960. Père aimant. Père mort. Père qui ne partage pas notre vision pour notre futur, pour notre temps… Père taiseux. Père soutenant. Père de sang ou père de cœur. Nos pères, diffractés, un peu, partout, tout le temps. Particulièrement en début de festival, les papas étaient au centre du jeu. Dans La Distance, Tiago Rodrigues, le directeur du Festival d’Avignon remet sa casquette de metteur en scène pour nous emmener en voyage, quelque part entre la Terre et Mars. Il fait tourner ce qui fait tourner le monde depuis qu’il est monde : l’impossibilité, pour les pères, de laisser leur fille quitter la maison. Dans Israel & Mohamed, Mohamed El Khatib, le roi du théâtre documentaire, et Israel Galván qui règne sur le flamenco contemporain mondial depuis vingt ans, nous racontent leurs problèmes d’Œdipe qui se traduisent par un merveilleux portrait croisé. Dans Le Canard sauvage, Thomas Ostermeier nous montre comment le père et les fils Werle règlent leurs comptes. Le fils Gregers commence à soulever les tapis sous lesquels se cachent des tonnes de mensonges, des mensonges qui donnent l’illusion aux familles de tenir bon, de faire comme si tout allait bien.

Et les mères alors ?

Dans la deuxième partie du festival, les mères ont balayé les pères. MAMI de Mario Banushi, qui nous a laissés sur le côté, est un hommage à toutes les mères qui l’ont élevé. Dans Les Incrédules, Samuel Achache nous rappelle que pour régler ses comptes avec sa mère, il faut parfois attendre qu’elle se transforme en fantômes. Mais de tous les spectacles qui ont mis les mères à l’honneur, dans ce festival qui, on le rappelle, est paritaire, c’est Le Procès Pelicot qui remporte les suffrages de nos cœurs. Milo Rau fabrique du théâtre à partir des tragédies qui nous dépassent. Le procès Pelicot a sidéré l’Europe pendant tout l’automne 2024. Il en fait une tragédie pour l’éternité. Comme dans toute tragédie grecque, on sait ce qui va se passer, on connaît l’horreur, la vulgarité, la violence. Le Procès Pelicot, la pièce, est une catharsis du procès Pelicot, le vrai. Un monument. Et sans doute le plus grand geste de cette édition qui célèbre cette héroïne bien malgré elle.

Le festival se terminera le 26 juillet, il se refermera sur l’aube du Soulier de satin, avant le concert de clôture rituel, cette année Branko. Tiago Rodrigues a salué une édition record, avec près de 97 % de remplissage des salles, et a annoncé que le coréen serait la langue invitée en 2026 pour la 80e édition.

Un bel été s’onnonce, le plus Cult possible, où que vous soyez, dévorez-le !

Amélie, Laura et Yaël