Souhaib Ayoub est un comédien, peintre, écrivain libanais, né en 1989 à Tripoli. Le Loup de la Famille est son deuxième roman. Il y déplore la misère et la violence qui affecte son pays et sa ville natale.
Le roman de Souhaib Ayoub est une galerie de portraits de famille. Et quelle famille! Nous sommes dans un quartier pauvre de Tripoli, tout au nord du Liban. Plus précisément, le centre du roman est l’immeuble Olabi. Situé tout en haut de la ville, quelque peu délabré, il porte encore les stigmates d’un bombardement survenu pendant la guerre civile.
Le lecteur fait la connaissance d’Hassan al Sabe, un jeune garçon. Il n’a rien dit jusqu’à la disparition soudaine de sa mère mais depuis il se compare à un loup féroce. Comme Hamad, son grand-père qui se décrit comme un monstre sorti de la foret ! Chamsé la grand-mère, enceinte de jumeaux s’est enfuie de la tente bédouine et conjugale. Ziad le père est boulanger. Nous découvrirons aussi Dolce Vita, une transgenre lumineuse au destin tragique et Widad la veuve qui vit entourée de poupées. Mais la fin du roman est glaçante, les loups sont de retour….
« Le loup de la famille » est un livre âpre, sombre, dérangeant peut être. Son style est très littéraire, souvent poétique. Le roman pourrait être rattaché au réalisme fantastique. La réalité sociale, la misère, la violence sont abondamment décrites. La ville de Tripoli est au centre du récit, avec son centre moderne, ses souks, ses ruelles, le port et le front de mer. La cuisine libanaise est mise à l’honneur. Elle apporte un élément de douceur de vivre alors que les guerres civiles libanaises et syriennes sont très présentes dans le récit. Mais le roman a aussi une dimension fantastique. Le lecteur est invité dans le monde imaginaire de l’enfance mais aussi dans celui des djinns et des légendes. Quand « au monde inférieur peuplé de monstres » qui effraie les enfants, il est l’allégorie de l’inconscient et de ses pulsions.
Souhaib Ayoub paraît hanté par la violence qui a déchiré son pays pendant tant d’années. Dans ce livre sombre, il exprime son pessimisme : « Nous héritons de la peur de nos parents et de leur haine. Le fil de cette haine se transmet de génération en génération ». Un pessimisme bien compréhensible compte tenu des souffrances du Liban. Le roman apparaît donc comme un conte moral, comme une tentative de conjurer le mal.
Souhaib Ayoub, Le Loup de la famille, traduit de l’arabe (Liban) par Stéphanie Dujols, Actes Sud , 192 pages, 21,8 Euros, sortie le 1 10 2025.
visuel : couverture du livre