Avec Le Fardeau, Matthieu Niango signe un premier roman saisissant, à paraître chez Mialet Barrault à la rentrée. Un texte hybride et poignant qui mêle enquête historique et quête identitaire sur la question des «Lebensborn».
Tout commence dans un petit village de la Meuse, théâtre silencieux d’un secret bien gardé : l’adoption de la mère de l’auteur. Un non-dit que toute la communauté connaissait, sauf les premiers concernés. Au moment du décès de sa mère adoptive, la vérité se révèle, lancée par la mère elle-même et interrogée par le petit- fils, normalien, philosophe, qui a eu une jeunesse heureuse. En feuilletant les archives et les traces administratives, découvrent que cette mère est née dans un Lebensborn, à Wégimont en Belgique. Ces maternités nazies créées par Himmler visaient à « reproduire la race aryenne » en accueillant les naissances d’enfants de soldats SS et de femmes jugées racialement compatibles.
Ce choc initial, Niango dit ne pas s’en souvenir. L’histoire lui semble d’autant plus folle que son père est ivoirien… Son corps, dit-il, a tout enregistré, mais sa mémoire consciente, elle, a fui. Longtemps, ce fardeau familial s’est traduit par un blocage d’écriture. Ce n’est qu’à la faveur d’un atelier littéraire sur le thème du secret que la parole se libère, dans un dialogue improvisé avec cette grand-mère biologique fantôme. « . Commencent alors quatre années d’écriture patiente, douloureuse et féconde qui propose non seulement une enquête familiale poignante à la manière de La Promesse ou de la Carte Postale, mais également un tissus littéraire qui fonctionne en puzzle.
Le roman, fruit de ce travail, épouse une forme éclatée. Comme un puzzle à reconstituer, il juxtapose dates, fragments, témoignages et silences. Une structure pensée pour laisser le lecteur recomposer lui-même le fil de cette histoire — ou de cette déchirure. Niango choisit de transmettre sans imposer. Ce qui l’obsède, ce n’est pas la faute, mais la question restée en suspens : pourquoi sa grand-mère biologique a-t-elle laissé sa fille aux SS ? Il ne dit pas avoir trouvé la réponse, mais espère que son livre aura apaisé une colère, celle de sa mère. En ce sens, Le Fardeau est plus qu’un roman : un geste d’amour, de mémoire, et de transmission.
Matthieu Niango, Le Fardeau, Mialet Barrault, 500 p., 22 euros. Parution le 20 août 2025.
visuel (c) couverture du livre