Parfois, exposer son « linge sale » ou simplement ceux et celles à qui jamais l’histoire n’a offert d’honneurs, c’est salutaire. Grâce au Musée d’Art Moderne et aux Franciscaines, on connaît enfin un peu mieux les noms et le rôle des filles de Manet, Marguerite et Julie. Et l’exposition Artemisia au Musée Jacquemart André a fini de nous rappeler comment la peintre a fini par devenir plus célèbre que son père et maître, Orazio. Au théâtre, après Avignon, Émilie Rousset brille au Théâtre de la Bastille avec ses Affaires familiales qui pointe les limites de la justice quand les plaintes touchent à l’intime. Les témoignages – en français, espagnol, italien et portugais – exposent combien ces questions sont universelles, et leurs voix, portées sur la scène théâtrale, contribuent à exploser le silence. De leurs côtés, aux Rencontres d’Arles, Jean-Michel André, Camille Lévêque et Diana Markosian pointent du zoom de leurs objectifs les pères, les pères absents. Parfois ce sont aussi les pères qui parlent, comme dans La Distance de Tiago Rodrigues, où Adama Diop voit sa fille quitter le nid pour aller loin, très très loin de lui, jusqu’à l’oublier.
Au cinéma, la famille inonde les salles, de la comédie au drame. Elle est douce et soutenante dans Regarde, jolie comédie dramatique de Emmanuel Poulain-Arnaud où Audrey Fleurot et Dany Boon excellent. Parfois, elle pèse comme quand on se perd de vue dans Sirat de Oliver Laxe, quand on se heurte à trop protéger dans Alpha de Julia Ducournau, quand on peine à trouver sur quelle fréquence se parler dans Valeur sentimentale de Joachim Trier, ou carrément à étouffer jusqu’à la mort son enfant dans L’intérêt d’Adam de Laura Wandel.
La question familiale occupe. Se déverse. Et les rentrées littéraires, qui passent et se ressemblent, se confortent. Les auteur·ice·s crient au nom du père (Anthony Passeron avec Jacky, Anne Berest dans Finistère, cette dernière apparaissant d’ailleurs très souvent dans les médias avec sa soeur, Claire…), au nom de la mère (Emmanuel Carrère avec Kolkhoze, Paul Gasnier dans La Collision, Justine Lévy dans Drôle de peine, Amélie Nothomb avec Tant mieux…), au nom de nos deuils et de nos colères. De nos drôles de familles aussi, qui sont largement exploitées par la pop culture, de la saison 2 de Mercredi et sa famille Addam de Tim Burton sur Netflix à la fin des aventures de la famille Crawley dans le dernier volet de la saga Downton Abbey.
Famille je ne vous hais plus, donc, en des temps si difficiles dans lesquels on rejoint le cocon, peu importent les dysfonctionnements. S’il est sans condition, ce repli sur la famille inquiète, surtout quand on entend « famille nucléaire », « famille de sang ». Mais heureusement, on peut la questionner et la choisir, cette famille. On peut choisir d’y mettre ce que l’on veut, qui l’on veut comme nous de disait entre autres Alice Raybaud dans son essai Nos amitiés puissantes. Dans l’animé KPop Demon Hunters qui cartonne sur Netflix, les membres du girls band à l’honneur ne sont-elles pas les unes pour les autres une famille ? Et les amies-héroïne de Sex and the city, dont la suite And just like that est sortie cet été, ne sont-elles pas entre elles et avant quiconque leurs âmes sœurs ?
C’est donc les yeux grands ouverts et avec une liberté folle que nous vous souhaitons la douceur d’une grande et belle famille. Choisissez celle qui vous plaira, avec qui pleurer, fêter, savourer, évidemment passer du temps dans les salles obscures et surtout, surtout gaspiller le temps dans des feux d’artifice de tendresse…
Que nos familles « Cult » et choisies crèvent encore longtemps les écrans !
Amélie, Yaël et Laura