Est-ce l’automne, arrivé en avance, qui nous pousse à nous réchauffer sous la couette ? Entre les célébrations du centenaire du surréalisme et cette proposition de « Refaire l’amour » du Forum des images, l’érotisme reprend une place importante dans la sphère culturelle et publique. Alors que Nicole Kidman reprenait le registre de Showgirls et de Eyes Wide Shut à la Mostra dans le rôle d’une femme de pouvoir en quête de plaisir (Babygirl), le fait le plus marquant est la sortie d’Emmanuelle. Toujours « cult » cinquante ans après le succès du film, le personnage a dû maturer nos nouveaux paradigmes et vider les rapports sexuels de leurs clichés patriarcaux. C’est pourquoi l’Emmanuelle 2.0 est un personnage d’aujourd’hui, maîtresse de sa vie plutôt que d’un mâle blanc. Visuellement, cela ne tient pas la route, mais l’essentiel est là : Emmanuelle a le visage marquant et obstiné de Noémie Merlant.
Mais peut-on vraiment se permettre les affres du non-dit et les émois des frottements de la soie ? N’est-ce pas alimenter les contre-courants douteux de notre culture du consentement ? Des titres phares de la rentrée littéraire comme l’Affranchie et Reprendre corps redonnent voix à celles qui se vendent, sans aucun trouble nauséabond, d’autres oeuvres telles Aucun respect d’Emmanuelle Lambert jettent un trouble agréable sur les années 1990 et leurs auteurs scandaleux – et dangereux, à force de se vouloir sexys. C’est documenté, drôle, lucide et ça donne envie de dire « oui » !
Pour son ouverture, le festival Les Excentriques présentait Sane Satan de Teresa Vittucci, un duo lesbien, le plus souvent à poil, hyper cru et très drôle. Chez Myriam Gourfink, au cœur du Panthéon, on a vu des bouches se frôler, des mains saisir le cou de l’autre, et des glissements de jambes entre celles d’à côté. Le sexy est de retour, comme on l’a vu cette semaine pendant la Fashion Week. Prenons par exemple la collection printemps-été 2025 de Courrèges : le défilé a montré des silhouettes avec des micro-hauts déstructurés et près du corps, ainsi que des robes portefeuilles transparentes, transformant instantanément n’importe quel habit de travail en création ultrasexy. On peut d’ailleurs constater que pas mal de codes « d’avant » sont réactivés : les talons hauts sont de retour, là encore sur les podiums, mais aussi dans un monde d’aujourd’hui, consentant et sans hiérarchie entre les genres.
En enfin, en direct livre, le très secret club BDSM de Paris, Cris et Chuchotements, ouvre même ses portes au grand public le 15 octobre prochain pour une lecture d’Alexis Himeros à l’occasion de la sortie de son dernier livre de contes érotiques, Les Contes bleu nuit, en collaboration avec le dessinateur Petites Luxures.
La bonne nouvelle est donc : de manière démocratique et renseignée, il y a à nouveau de la place pour l’interstice et le trouble. La vigilance est de mise, mais le plaisir aussi, et ça, ça remonte très haut le pavillon de nos moral(e)s.
Belle semaine à toutes et à tous!
Yaël et Amélie
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