Pour sa treizième édition, le dispositif « Adolescence et territoire(s) » a fait appel à la metteuse en scène Juliette Navis pour diriger un Chant d’ivresse tendre, enjoué et ancré dans le monde contemporain.
Le projet « Adolescence et territoire(s) » est né voilà douze ans, à l’initiative du service des relations publiques du Théâtre de l’Odéon, alors dirigé par Olivier Py. L’idée était selon Alice Hervé, qui dirige ce service, « de proposer à des adolescent[·e]s qui habitent les territoires proches des ateliers Berthier de faire du théâtre en dehors du temps scolaire et de travailler avec une tranche d’âge bien spécifique, les 14-20 ans ».
Ce dispositif s’est d’abord construit avec l’Espace 1789 de Saint-Ouen, puis Clichy ou le TGP à Saint-Denis, avant de se recentrer sur trois structures : les Ateliers Berthier, l’Espace 1789 et le T2G à Gennevilliers. Grâce à ce rayonnement, les jeunes viennent du XVIIe, mais aussi de Colombes, de Saint-Ouen, Saint-Denis ou Aubervilliers. Carte blanche est ensuite donnée à un·e artiste en résidence, et c’est ainsi que Juliette Navis, en résidence à l’Espace 1789 cette année, a pu mener ce projet.
Si la metteuse en scène a l’habitude de l’action culturelle, travailler avec des ados était une première : elle a surtout œuvré en EHPAD ou dans des accueils de jour pour adultes. C’est Elsa Sarfati, qui dirige l’Espace 1789, qui lui a proposé de participer au projet « Adolescence et territoire(s) », alors qu’elle lui faisait part de sa frustration de ne pas voir ses ateliers en EHPAD et accueils de jour couronnés de l’apothéose qu’est le spectacle public. Tel était donc l’intérêt premier de ce dispositif : aller jusqu’à la création d’un spectacle, dans un vrai théâtre, avec accueil de public.
L’idée était d’initier les jeunes à la pratique phare de Juliette Navis, l’écriture de plateau. Elle est donc partie des préoccupations des jeunes, mais aussi de leurs talents personnels et de leurs réactions à des impros pour créer Le Chant d’ivresse. Il a fallu pour cela s’adapter à la diversité des ado sélectionné·es, certain·es ayant déjà des pratiques théâtrales quand d’autres découvraient la scène et s’exposaient pour la première fois au regard d’un public.
Ce qui ressort de la représentation de Berthier, c’est que la diversité des jeunes fut davantage une richesse qu’un handicap. La proposition permit de brasser différents arts et différents enjeux en partant des réflexions des jeunes sur le monde actuel. Les violences policières, la confiscation des législatives de l’an dernier ou les inégalités sociales… Tout cela fut traité sans pour autant que la soirée ne se transforme en tribune politique.
Il s’est ainsi agi d’utiliser les talents des participants et participantes pour mettre en scène la réalité du monde, mais aussi la sensibilité de cette adolescence fragile. Entre mouvements de danse chorégraphiés par Romain Guion, vieux compagnon de route de Juliette Navis, et tubes chantés a capella, les jeunes ont pu faire montre de leur rapport aux sons et aux mots, avec la restitution, par l’une d’entre elleux, d’enregistrements des bruits de la vie quotidienne, pris sur le vif. Ou comment céder la scène aux adolescent·es permet de déplacer le regard.
Le Chant d’ivresse, écriture de plateau de Juliette Navis, en collaboration avec les jeunes du dispositif « Adolescence et territoire(s) ».
Visuel : © Mélissa Boucher