L’art du bois japonais à la MCJP

Le respect de la matière

Au japon, certains arbres sont considérés comme des divinités, selon les principes du shintoïsme qui reconnaissent un pouvoir spirituel à tous les éléments de la nature et à ses manifestations. Le territoire japonais est couvert de forêts denses qui peuvent abriter des arbres plusieurs fois millénaires, des mondes de nature primitive qui sont à la fois objet de vénération et source de matière première pour la construction. Ce lien de respect entre l’humain et son environnement, et particulièrement avec les arbres, donne ainsi une signification particulière à l’utilisation du bois dans l’architecture traditionnelle japonaise.

Le premier rôle du charpentier consiste à choisir l’arbre le plus adapté à son projet. S’il coupe un arbre de 1000 ans, il se doit de faire en sorte que ce qu’il va construire durera au moins 1000 ans, comme c’est le cas pour le temple Hôryû-ji près de Nara, édifié il y a 1300 ans, l’un des plus anciens bâtiments en bois du monde. Car si le bois est une ressource renouvelable, il faut néanmoins lui laisser le temps de pousser. Les principales essences utilisées sont majoritairement des résineux, souvent d’espèces endémiques, tel le hinoki (cyprès du Japon) et son odeur si particulière. La couleur, le veinage, l’odeur, la forme, la robustesse ou la facilité à être travaillé sont autant de critères qui entrent en compte dans le choix du bois.

Le temple et le pavillon de thé

Si l’exposition présente relativement peu de pièces, plusieurs  sont spectaculaires. Certaines sont de très grande taille comme la maquette en bois d’une partie du toit d’un pavillon du temple Yakushi-ji, les gabarits de coupe d’éléments de structure échelle 1 ou encore la reproduction taille réelle du pavillon de thé Sa-an du complexe du Daitoku-ji de Kyoto. Celui-ci est particulièrement beau tout en offrant une vision unique du pavillon, dépouillé de tout enduit de finition. La structure, où alternent treillages de bambou, poteaux ronds, panneaux pleins ou petites ouvertures est un bijou de transparence et de légèreté, où chaque élément est mis en valeur. Ce pavillon Sa-an est représentatif du style de construction appelé sukiya, où le bâtiment prend une apparence rustique et où la fragilité est préférée, pour servir de cadre aux cérémonies du quotidien comme la cérémonie du thé.

La spiritualité est une des composantes du métier de charpentier. Si c’est lui qui coordonne tous les intervenants du chantier, il est également en charge d’organiser des cérémonies aux grandes étapes de la construction. Elles sont d’autant plus importantes quand il s’agit de la construction d’un temple bouddhique ou d’un sanctuaire shintô, domaine dans lequel certains maîtres charpentiers sont spécialisés. En effet, ces structures demandent un soin particulier tout en adaptant son travail à leur échelle monumentale. Les dimensions des pièces de bois sont très grandes et les assemblages, s’ils restent toujours aussi minutieux et précis que dans les petits bâtiments, se doivent d’être capables de durer des centaines d’années, tout en étant esthétiques.

La main, outil de précision

Les outils du charpentier sont également mis en valeur dans l’exposition. Si le nombre nécessaire à une construction courante en 1943 était de 72, il passait à 179 pour un bâtiment de qualité. Même si les outils électriques ont aujourd’hui fait diminuer le nombre d’outils traditionnels, on remarque que ceux-ci restent à la base de l’apprentissage du métier de charpentier. En commençant par apprendre l’affûtage de ses outils avant toute chose, l’apprenti crée un lien essentiel entre ses mains et ses outils, une relation indispensable à tout travail méticuleux.

On se rend compte que l’art des charpentiers se décline à toutes les échelles, du temple au coffret, en passant par une habitation ou un paravent. On découvre ici le kigumi, l’art de l’assemblage du bois qui rend les pièces aussi solides qu’esthétiques,  une technique minutieuse sans clous ni vis. Les pièces de bois expliquant les différentes techniques sont accompagnées de vidéos qui donnent une fausse impression de simplicité, alors que les découpes se doivent d’être d’une précision redoutable.

L’art des charpentiers nous fera certainement regarder l’architecture japonaise d’une autre façon, l’œil cherchant les détails d’assemblage ou suivant les veines du bois. Une fois encore, on se rend compte que l’apparente simplicité de l’artisanat japonais est le résultat d’un travail complexe qui se sublime en exprimant l’essence même de la forme par les mains d’un artisan dévoué à son art.